Il faut dire que l’huile d’olive de
Sainte Lucie de Tallano était particulièrement connue pour sa pureté et, deux
ans plus tôt, avait gagné l’olive d’or,
prix distinguant la meilleure huile européenne, ce qui avait dû créer des
jalousies dans tout le bassin méditerranéen chez tous ceux qui prétendaient
détenir l’excellence. Certains avaient même fait courir le bruit que l’huile
d’olive de Sainte Lucie de Tallano était bonifiée par leur propre huile pour
baisser le taux d’acidité.
J’avais été dépêché par les huiles
du ministère de l’Intérieur actionnées par celles de l’Agriculture qui avaient
été informées d’une attaque imminente de la mouche olive. L’alerte avait été
donnée après l’arrivée d’un Crétois, d’un Italien et d’un Espagnol dans le
village, suspects possibles.
En me désignant pour cette mission,
mon chef de service me glissa une olive en m’éloignant de la capitale où je
venais d’arrêter un de ses amis politiques noyauté par des cols blancs. Je
devais passer quelques jours à Sainte Lucie de Tallano sans devoir y prendre
racine comme ces oliviers si profondément enfoncés dans la terre corse.
Seul l’adjudant de gendarmerie Olivier Olivieri
connaissait mes fonctions et l’objet de ma mission. Il faut dire que l’olivaison et
la « festa di l’oliu novu » n’étaient pas loin.
Ce jour-là, je pistai le Crétois qui
se promenait à travers les oliviers et qui avait disparu de mon champ de vision
sans que je ne pusse retrouver sa trace. Je n’avais pas pris le temps de passer
par les WC et je me trouvais obligé de changer l’eau de mes olives contre
le tronc d’un olivier sculpté par l'âge
sous sa toison de feuilles argentées… Mon esprit s’évada alors dans l'Odyssée d'Homère où le
pieu avec lequel Ulysse
crève l'œil du cyclope
Polyphème
est taillé dans un olivier, symbole de sagesse et de force, puis vers le lit
conjugal de Pénélope, symbole de patience et de fidélité… Mal m’en
prit ! Des détonations rompirent le silence jusque là uniquement troublé
par le ruissellement de mon urine sur l’écorce. Des olives me sifflèrent aux
oreilles au moment où je compris que l’on me tirait dessus…
Je ne sais toujours pas pourquoi
mais la première pensée qui me vint à l’esprit fut des vers de Joachim Du
Bellay…
Quand la fureur, qui bat
les grands coupeaux,
Hors de mon cœur l'Olive arrachera,
Avec le chien le loup se couchera…
Je me couchai sur la terre brune, sans prendre le temps de
fermer mon magasin, le nez au raz du sol face à une olive chue sur laquelle une
mouche me regarda comme si j’étais un puceron.
C’est la voix de l’adjudant Olivieri qui me sortit d’affaire
avant qu’un tir sur moi ne fît mouche.
-
Anto !
Arrête de tirer ! C’est l’adjudant-chef Leloup de la gendarmerie
nationale !
-
Adjudant-chef
ou pas, il pisse sur l’écorce de mon olivier. C’est comme s’il me pissait
dessus.
-
Arrête-toi
Anto ! Il n’est pas d’ici et Olivier, c’est moi. Tu vas ranger ton flingue
ou bien je vais être obligé de te loger une olive entre les deux yeux.
-
Vi
salutu cu u fisacu è cu l’imbutu ! A dopu ! lança le prénommé Anto avant
de disparaître.
L’adjudant Olivieri vint m’aider à
me relever…
-
Rien
de cassé ? me demanda-t-il, un peu inquiet.
-
Non
rien ! Il va falloir arrêter ce fou furieux…
-
Si
ça se trouve, il a simplement tiré en l’air.
-
Vous
me prenez pour un con ?
-
Je
suis confit en excuses…
L’adjudant Olivieri n’eut pas le
temps de poursuivre sa phrase car nous entendîmes un appel de détresse qui
venait de derrière un taillis. Nous nous approchâmes de l’endroit où mon
Crétois était allongé visiblement blessé par une des balles qui ne m’avaient
pas atteint. Il nous regarda avec l’angoisse visible sur son visage creusé par
la douleur. A côté de lui, je remarquai une boîte que je ramassai…
-
Ne
l’ouvrez pas ! me dit l’homme qui parlait notre langue.
J’approchai la boîte de mon oreille
en la secouant. J’entendis comme un bourdonnement…
-
Qu’y
a-t-il à l’intérieur ?
-
Des
mouches, me répondit-il.
C’est ainsi que l’affaire de la
mouche olive fut résolue. En haut lieu, on décida qu’il ne fallait pas faire de
vague sur l’huile d’olive. Le coupable crétois se remit de sa blessure et fut
expulsé sans demander son reste. Il expliqua qu’il n’avait pas supporté que son
huile d’olive ne remportât pas l’olive d’or et que, lorsqu’un crétin de ses
collègues oléiculteurs crétois lui avait affirmé que celle de Ste Lucie de
Tallano était coupée avec la sienne, il avait décidé de ruiner tous les
oléiculteurs corses et leur AOC.
A Sainte Lucie de Tallano, cette
année-là, je fus l’invité d’honneur de
la festa di l'oliu novu et je reçus mon poids en olives. De retour à Paris avec
mes 90 kilogrammes d’olive, je ne savais pas quoi en faire et c’est mon amie
Oliva qui me donna la solution : la confiture d’olive.
500g olives, 1 citron (le zeste + le jus du
1/2 citron), 1 c à café de fenouils
écrasés, 250ml eau + vin blanc (1/3 eau + 2/3 de vin blanc) 250g de sucre, 1c à
soupe de pastis.
Blanchir 3 fois les olives dénoyautées, les
hacher, ajouter le jus et zeste de citron, le fenouil, le pastis, le sucre, faire
cuire 30 à 40 minutes.
Oliva,
qui pour un pot paye de sa personne, a précisé que cette confiture devait se manger
très fraîche avec du fromage très relevé. Moi je vous conseille un bon fromage
de chèvre corse.
En
ce qui concerne les noyaux des olives, ils peuvent avoir plusieurs
utilisations :
-
La piscine municipale de Cazorla est la première d'Espagne à
être chauffée à l'aide de noyaux d'olives.
-
Si vous avez des reflux gastriques et une hernie hiatale,
utilisez un vieux remède africain :
prendre 2 ou 3 noyaux d'olives, enlever les pointes qui risquent de blesser
l'estomac, ....et les avaler.
-
Fabriquer de la poudre de noyaux d’olive
qui est un exfoliant végétal se révélant très efficace pour nettoyer la peau en
profondeur tout en la lissant.