Lorsque l’heure est aux aveux, parmi ces deux expressions argotiques vous préférez : « Se mettre à table » ou « S’allonger » ?
Je ne suis pas du genre à « me mettre à table », encore moins à « m’allonger ».
On vous présente un prêtre. Vous lui dites : « Mon père » ou « Monsieur » ?
« Monsieur ». Je n’ai qu’un père que je n’échangerais pour rien au monde.
L’art est un sale boulot, mais il faut bien que quelqu’un le
fasse. Mais quel sale boulot refuseriez-vous catégoriquement de faire ?
Un plan social ou bourreau. Au bout du compte, c’est un peu la même chose, non ?
Vous êtes brièvement contrainte de sombrer dans la délinquance
pour survivre. Vous choisissez d’être : cambrioleur ? braqueur ? escroc
? faussaire ? contrebandier ?
Cambrioleuse, j’ai toujours eu un faible pour le bel Arsène.
« Lorsqu’on parle d’argent, à partir d’une certaine somme, tout le monde écoute » disait Audiard. Vrai ? faux ?
C’est vrai, sauf à de trop rares exceptions. J’aime les exceptions !
Sauve qui peut, nous coulons ! Qui ou quoi d’abord ?
Mes deux filles pour le qui et les lettres d’amour de mon mari pour le quoi.
Perdue sur une île déserte. Miracle ! Un conteneur étanche vient de s’échouer ! Dedans il y a… ?
Tous les livres que je n’ai pas encore eu le temps de lire ou de relire et la liste s’allonge chaque jour davantage.
En trois mots, la Corse dans cinquante ans…
En trois mots pessimistes : un Center Parc géant. En trois mots
optimistes : une parenthèse magique, un modèle de développement
durable, une exception culturelle ouverte sur le monde… Dans le fond,
je dois être optimiste, ou idéaliste, mais comment supporter le monde
sans rêves ?
Croyez-vous au PADDUC ?
Si j’étais chef d’entreprise et que les membres de mon comité de
direction me soumettaient un document aussi pauvre et dangereusement
flou (et avec un tel retard dans les délais qui plus est) pour engager
ma société dans les trente prochaines années, je les renverrais à leur
copie en leur demandant de commencer par rédiger, en une phrase, une
vision, une ambition capable de faire rêver et de porter les salariés
comme les actionnaires.
Blanc du Cap ou rouge de Sartène ?
Blanc du Cap, avec une tranche de bon pain, du beurre et de la boutargue.
Rolling Stones ou Chjami Aghjalesi ?
Mes goûts musicaux incluent les deux, mais si je devais réaliser un
mélange des genres, j’aimerais assez entendre Jacques Culioli sur «
Love’s divine » de Seal, avec un arrangement de Bruno Susini.
Pascal Paoli ou Napoléon ?
Pascal Paoli.
Coup de téléphone. Alleluiah : c’est Dieu au bout du fil ! Vous lui parlez de quoi ou vous lui demandez quoi ?
Je crois que je serais trop fâchée pour prendre la communication. A
la réflexion, je lui demanderais juste de me passer ma grand-mère.
Vous pouvez remonter le temps et changer un événement des 30 dernières années en Corse. Vous choisissez quoi ?
Aleria. Au lieu d’envoyer les chars et l’armée, je nommerais un médiateur, un sage.
Une invention qui, selon vous, a changé la vie des Corses ?
Le bateau !!!!!
Trois qualités qui résument les Corses ? Et trois défauts ?
Ah ! Non ! Pas question d’alimenter les clichés, croyez-moi, vu du
continent, nous sommes déjà assez bien servis, merci. Et puis les
Corses, ça ne se résume pas, ou si mal.
En pleine session de l’Assemblée de Corse, les élus sont pris en otage. Qui envoie-t-on pour négocier avec les ravisseurs ?
Personne. Qu’ils plaident eux-mêmes leur cause et trouvent, ensemble, une issue à la crise.
Mephisto vous propose la jeunesse éternelle. Vous lui donnez quoi en échange ?
Je ne traite pas avec le diable.
Vous avez la possibilité de vous entretenir avec un personnage historique. Qui ? Et de quoi lui parlez-vous ?
Gandhi. Je ne parle pas, j’écoute.
Coincée dans un ascenseur avec une personnalité politique… Qui,
de préférence ? Et comment occupez-vous le temps en attendant le
dépanneur ?
George Clooney, on peut le considérer comme une personnalité
politique ? Non ? Ben alors, je suis bien embêtée : ceux que j’aurais
vraiment aimé rencontrer sont tous morts. A partir de maintenant, je
prendrai l’escalier.
L’animal de compagnie idéal, selon vous ?
Le chat qui se balade dans le poème de Baudelaire, sinon, le cochon est parfait, surtout au moment de Noël.
Après cinquante ans de coma profond, une connaissance se
réveille. Vous devez lui montrer une image pour résumer tous les
changements de la Corse. Laquelle ?
J’hésite : le rond-point de Furiani au moment de Noël ou le hall de Poretta au mois d’août.
On sonne chez vous à minuit. « Je me suis évadé, j’ai besoin d’un toit pour la nuit ». Que faites-vous ?
Si c’est un ami, qu’il entre : mes amis savent qu’ils peuvent
compter sur moi. Sinon, qu’il passe son chemin. Je ne me sens pas liée
par cet usage dont la conséquence peut être d’apporter son aide à
quelqu’un de franchement peu recommandable.
Après avoir avalé un brocciu contaminé par Tchernobyl, vous développez un super-pouvoir. Lequel ?
Pouvoir transmettre la sagesse par simple imposition des mains. Je
poserais ma main sur mon front, puis j’irai serrer les paluches de tous
les membres du G7, pour commencer…
Dans le taxi qui vous conduit à l’aéroport, le chauffeur ne
cesse de dire du mal des Corses : tous feignants, voleurs, tueurs,
escrocs, menteurs… Que faites-vous ?
Je lui dis que je suis corse et j’exige le silence avec un regard
noir. Puis je me tais, pour paraphraser Audiard : « Je ne parle pas aux
cons, ça les instruit ».
Merci, Elena !
Entretien publié dans la rubrique Entre nous du mensuel Corsica en avril 2009, réalisé par Elisabeth Milleliri- Photographie de Georges Nahra
Source http://info.club-corsica.com/