Une
première question rituelle pour un premier ouvrage : comment es-tu venu
à l’écriture et pourquoi avoir choisi comme genre le polar ?
J’ai
commencé à l’écrire par hasard, je préparais l’examen d’entrée à
l’école d’avocat et un soir j’ai eu besoin d’un exécutoire pour me
sortir la tête des cours de droit. Je me suis installé devant mon ordinateur et j’ai commencé à taper sans vraiment savoir ce que je voulais faire. J’ai écrit ce qui est devenu, par la suite, le prologue de Polka. Cela m’a plu et j’ai créé un personnage principal, Paul Casanova et c’est presque ce personnage qui m’a « raconté » l’histoire.
J’ai choisi le style polar parce que c’est un style qui permet une grande liberté de ton.
Lors
de la première rencontre littéraire du Barreau de Marseille, un avocat
a expliqué que le polar, le roman policier, c’était toujours pareil et
ennuyeux : un meurtre, une enquête, un assassin. Il a ensuite souhaité
l’écriture d’un roman judiciaire qui commencerait à l’arrestation de l’auteur. Pourquoi avoir choisi un héros flic plutôt qu’avocat comme toi ?
Tout d’abord, je ne suis pas d’accord avec la vision extrêmement simpliste de mon confrère.
Ensuite,
je ne pense pas que la procédure pénale française, contrairement à
celle des Etats-Unis, puisse servir de trame à un roman haletant et
prenant Je pense que c’est la raison pour laquelle nous
n’avons pas, ou très peu, en France d’auteurs spécialisés dans les
polars judiciaires comme John Grisham.
Il existe tout de même de bons polars judiciaires français, je pense notamment à « Accusé couchez-vous » de Laurent Léguevaque et Michel Embareck.
Enfin, j’ai choisi le flic car il a les mains dans la boue et cela permet plus d’action.
Le héros Paul Casanova est un Américain d’origine corse.
Pourquoi un Corse ? Quelle en est la nécessité ?
Mon
patronyme est Croizet mais ma mère s’appelle Marchetti. Elle est
originaire de Zilia en Balagne, où je me rends chaque année. J’ai une relation très forte avec la Corse, je dirais presque fusionnelle.
En fait l’idée d’un héro corso-américain m’est venue en repensant à une anecdote. Un
jour, je me baladais dans Little Italy à Manhattan, je suis tombé sur
un magasin qui avait, dans sa vitrine, un drapeau estampillé de la tête
de Maure. J’y étais entré et j’avais appris l’existence d’une amicale corse à New-York. Je m’étais dis qu’un héro américain d’origine corse, ça aurait de la gueule...
Donc quand j’ai créé Paul Casanova, il ne pouvait pas être autre chose que Corse.
Et toi, comment vis-tu ta corsité ?
Comme je l’ai dit, j’ai une relation très forte avec l’île. Je vis ma corsité non pas comme un étendard que l’on brandit mais comme une façon de penser et de vivre.
La corsité, je pense que c’est avant tout un état d’esprit.
New-York
apparaît comme une grande pomme avec la symbolique du péché puisque
chaque quartier est la proie de gangs issus de vagues d’immigrés, en
dernier lieu les chinois et les transfuges de l’ex-URSS. Elle apparaît
aussi le refuge de criminels de guerre et pas seulement de 39-45 mais
aussi de celle de l’ex-yougoslavie. Tout n’est-il que fiction ou bien
y-a-t-il de la réalité dans cette vision noire de cette ville ?
Je pense que bien souvent la réalité dépasse la fiction. L’exercice de mon métier me le rappelle chaque jour.
Je pense que comme dans toutes les villes, surtout dans les mégapoles, il existe une face sombre et une face claire.
Dans
Polka, j’ai voulu parler de ce que j’aimais dans New-York sans oublier
que cette ville avec ses millions d’habitants peut également être très
violente.
Lorsque
j’ai pris la symbolique du péché pour la grande pomme, j’ai voulu
introduite la dimension mystique c’est-à-dire l’importance de la
religion aux Etats-Unis qui favorise les dérives sectaires. La religion
a-t-elle un effet pervers chez les Américains ?
Je pense que la relation des Américains avec la religion est complexe.
L’hyper-religiosité a incontestablement un effet pervers non seulement aux USA mais également à travers le monde.
La
difficulté s’est accrue sous le mandat de George Bush puisque ce
dernier a utilisé la religion comme un symbole patriotique dans son « combat » contre le terrorisme, attisant de ce fait le fanatisme religieux musulman.
Je dois avouer que cette hyper-religiosité me fait peur.
Tu as vécu plusieurs années aux Etats-Unis. Qu’as-tu retenu de plus significatif dans la ville de New York ?
C’est une ville qui ne dort jamais, littéralement. On peut tout faire à n’importe quelle heure...
Tu as suivi une formation pour le cinéma avant d’opter pour le Barreau. Dans Polka, des passages plutôt cinématographiques parcheminent le récit. Le cinéma te tente toujours ?
Une
précision s’impose : je n’ai malheureusement pas suivi de cours de
cinéma mais j’avais été accepté dans l’Ecole de Cinéma de l’Université
de New-York quand j’ai dû, la mort dans l’âme, rentrer en France.
Cela a été très dur et j’ai toujours eu une petite « frustration »à ce sujet, frustration qui m’a surement poussé à écrire Polka avec des passages cinématographiques.
Le cinéma me tente toujours et je peux dire qu’un de mes rêves c’est de voir mon livre adapté au cinéma.
Aujourd’hui tu vis en France. As-tu déjà une idée sur les lieux de tes prochains romans ?
Le prochain livre, qui est en cours d’écriture, se passe aux USA mais également à Marseille et en Corse.
Si je devais classer Polka, je dirais que tu es inspiré par le hardboiled et le Muckracker avec en plus la dimension du néo-polar qui met en scène New York et la société américaine. Quels sont tes auteurs ou tes lectures de référence et te reconnais-tu une filiation littéraire ?
Mes
auteurs de référence sont nombreux mais je peux citer parmi les
Américains James Ellroy, Michael Connelly, surtout les premiers, George
P.Pellecanos pour l’ambiance musicale.
Parmi les français, j’adore Thierry Jonquet. J’aime beaucoup Manchette et bien sûr les auteurs classés sous le titre réducteur à mon sens « d’auteurs de Polars Marseillais », c’est-à-dire Izzo etc...
J’ai
également découvert récemment grâce à Jean-Paul Ceccaldi des auteurs
corses de polars comme Jean-Paul lui-même mais également Jean-Pierre
Santini et son excellent Nimu.
La musique actuelle est très présente dans le récit. Alors, est-ce que les goûts de Polka sont les tiens ?
Oui, les goûts musicaux de Polka sont les miens. Dans le livre il y a des références à des concerts et ces concerts ont vraiment eu lieu, tous les souvenirs de Polka à leurs sujets sont les miens.
La musique est essentielle et j’écris très souvent avec un casque sur les oreilles.
As-tu quelque chose que tu aimerais dire sur Polka aux lecteurs corses ?
Polka c’est le plus corse des polars new-yorkais mais également le plus new-yorkais des polars corses.
Source: Île Noire-janvier 2009