
L'éloge de la nouvelle n'est plus à faire: pépite, perle, bijou, diadème, agate, jaspe, île aux trésors de la littérature... mille mots empruntés aux pierres précieuses, aux métaux rares et nobles la mettent en valeur, l'entourent d'éclats magiques et de feu. La secte des amateurs, qui se passionnent pour cette activité‚ vantent le talent des écrivains qui s'y consacrent jusqu'au sacrifice dans le silence de leur établi, et portent au pinacle leur art d'enchâsser, tailler, polir, ciseler la langue qui va donner naissance à l'histoire, l'histoire capiteuse, fulgurante, concentrée, bourrée de vitamines.
Mais on n'a pas fait l'éloge du lecteur de nouvelles.
Qui est-il ?
C'est sans doute un être qui accuse le roman de lourdeurs, qui s'y ennuie, qui déteste s'engluer dans les bavardages et les descriptions du décor -- ah! tous ces pavés où le romancier nous force à compter les bouteilles du bar, au lieu des habituels moutons, comme pour nous endormir.
C'est quelqu'un qui préfère l'escapade au voyage au long cours, au voyage organisé, qui aime la légèreté, la fantaisie, l'humour dérangeant, la vitesse, la bulle de champagne, l'aventure entre deux portes plutôt que la liaison adultère, ou même le cinq à sept, avec ses mensonges et ses horaires.
C'est un homme ou une femme qui prend des risques, qui s'abandonne au hasard, à ses humeurs, qui a choisi de lire par saccades, de piocher dans la cagnotte sans savoir ce qu'elle contient. C'est quelqu'un qui se livre à l'esquive, qui ne craint pas la dérive, et du coup n'est jamais malade, car il consomme une nourriture qui lui fouette le sang, le garde en éveil, le tient en haleine -- toute sa vie il reste beau, intelligent, puissant: la nouvelle c'est du Viagra pour les 2 sexes car elle suscite l'émotion, entretient l'excitation, laissant grand ouverte la porte du désir, du plaisir.
La nouvelle ne tue pas. Le lecteur, ou la lectrice de nouvelles sait même que c'est le remède contre l'AVC, l'infarctus, le cancer... la mort...
L'amateur ne meurt presque pas.