Pour Jean-Pierre Santini, des écrivains renseignent les journalistes
04 novembre 2020
Dans le document de trois pages que le collectif Operata pè Santini vient d’adresser ce 4 novembre aux principales rédactions de la presse nationale, les auteurs et artistes qui protestent contre le maintien en détention de l’écrivain, s’efforcent de livrer aux journalistes quelques clés et précisions essentielles au traitement de cette affaire.
Secret de l’instruction oblige: on en sait peu
Sur les faits d’abord qui valent à Jean-Pierre Santini, écrivain-éditeur, âgé de 77 ans, d’être mis en examen pour «association de malfaiteurs terroristes correctionnelle».
• Bastia, nuit du 13 au 14 juillet 2020, un groupe armé tire sur le mur de la gendarmerie de Montesoro. Les faits sont tellement anodins qu’il faudra attendre le lendemain et leur revendication par le groupe clandestin se réclamant du FLNC pour que les gendarmes s’en aperçoivent.
• 14 juillet 2020, rassemblement public de militants nationalistes corses, organisé par JP Santini, comme chaque année à la même date. Au cours de cette réunion/débat, un groupe d’hommes cagoulés et armés fait irruption pour revendiquer le mitraillage de la gendarmerie la veille, et disparaît.
• 6 octobre 2020, la brigade anti-terroriste interpelle à l’aube, à leur domicile, Jean-Pierre Santini et 11 autres militants. Emmenés à Ajaccio jusqu’au 8 octobre, ils seront tous déférés à Paris (menottés dans le dos et masque sur les yeux pendant environ 7 heures) et incarcérés le 10 octobre dans différentes prisons. Pour Jean-Pierre Santini, ce sera Fresnes.
• 8 d’entre eux ont depuis été libérés sous contrôle judiciaire. 4 sont encore emprisonnés dont JP Santini, 77 ans et en grève de la faim du 6 au 31 octobre.
• Présenté au Juge des Libertés, sa mise en liberté sous contrôle judiciaire lui a été refusée malgré son état de santé précaire, son âge et l’absence de flagrance des faits.
Cafards, COVID et fouilles à nu
Sur les conditions de détention ensuite. Le collectif Operata pè Santini en précise le caractère indigne et livre aux médias des détails.
• Ses conditions de détention, comme celles des 11 autres prisonniers (pas de chauffage ni d’eau chaude dans les cellules, mais des cafards, et depuis le confinement, impossible d’apporter du linge propre de l’extérieur) sont indignes d’un Etat démocratique et outre les conditions sanitaires déplorables, le placement en isolement à 1200 km de chez lui, l’absence de toute information venant de l’extérieur (courrier des ses petites-filles rejeté), les fouilles à nu humiliantes lorsqu’il est présenté au Juge des Libertés (3 fouilles le même jour...) il subit une détention préventive illimitée dans les pires conditions.
Comprenez bien que c’est sur cette détention arbitraire effrayante, qui dépasse largement les limites d’une préventive, malgré l’âge, les pathologies et la grève de la faim de JP Santini, que nous nous élevons.
Le portrait d’un homme libre
Rappelant la dizaine actions engagées et les nombreux soutiens recueillis depuis le début de l’affaire Santini, le document adressé aux médias livre enfin et surtout un portrait de l’homme: « un homme libre » souligne son collectif de soutiens.
Jean-Pierre Santini, 77 ans, très affecté et affaibli par ses 25 jours de grève de la faim « a su se créer un espace de liberté du fond de sa cellule. Et il écrit», nous annonçait sa fille il y a quelques jours.
Accompagné d’un portrait de Jean-Pierre Santini réalisé par le photographe Guidu Antonietti di Cinarca, le document adressé par courriels à la presse française ainsi qu’à quelques grands médias étrangers francophones offre une riche et belle bio-bibliographie qui n’oublie rien de cet homme aujourd’hui maintenu en détention:
Pupille de la nation. – Jean-Pierre Santini est né en 1944, peu après le décès de son père, mort pour la France dans les combats préparant le débarquement de Provence.
Instituteur. – Jean-Pierre Santini endosse l’habit et l’idéal émancipateur des « hussards noirs de la République », comme disait Péguy.
Militant de la première heure. – Jean-Pierre exerce en Seine-Saint-Denis, et s’implique dans les cercles de réflexion réunissant à Paris des jeunes intellectuels vibrant à l’unisson du Riacquistu et du renouveau politique insulaire porté par le mouvement « régionaliste ».
Militant engagé. – La surdité de l’Etat entraine la radicalisation progressive du régionalisme. L’hostilité gouvernementale culmine dans la réponse apportée lors des événements d’Aleria. Jean-Pierre Santini participe à la fondation du FLNC et en alimente les débats internes, notamment par des notes exposant par écrit ses analyses politiques.
Militant critique. – Jean-Pierre Santini s’élève contre les dérives du mouvement clandestin et les luttes fratricides qu’elles entrainent.
Ecrivain. – Jean-Pierre Santini, agissant désormais à visage découvert, traduit cette désagrégation des utopies fondatrices, notamment dans trois romans noirs, aux limites de la dystopie : Corsica clandestina, Isula blues et Nimu. Aujourd’hui, sa bibliographie comporte plus de 30 titres dispersés sur plusieurs catalogues. Tous reflètent le même mélange de sensibilité poétique, de puissance narrative et de lucidité politique. Les trois piliers du désespoir, auquel on n’échappe qu’en y glissant une pointe d’humour. Glissement ordinaire du dérisoire à la dérision.
Editeur et militant culturel. – Jean-Pierre Santini fonde les éditions À Fior di Carta et, en une décennie, publie 175 ouvrages de 62 auteurs. Son catalogue éclectique est ouvert à toutes sortes de sensibilités, notamment poétiques, stylistiques et linguistiques.
Homme de lettres. – Jean-Pierre Santini vit retiré, depuis des décennies, dans un village exsangue perché dans les hauteurs du Cap-Corse. Nid d’aigle, tour d’ivoire ou « Exil en soi » ? C’est bien en lui, au bout de sa plume et sur la feuille blanche que se trouve l’espace de liberté qui a transcendé tous les embrigadements, et qui transcendera tous les embastillements... C’est cette liberté qui, aujourd’hui, transforme une détention provisoire en détention dérisoire. Dans « L’arme de mots », il y a en effet plus fort que crier à l’injustice : sourire à l’ineptie.
Dénonçant ainsi un « déni de justice, les membres du collectif Operata pè Santini se tiennent à la disposition de tous les journalistes et indiquent les courriels et téléphones permettant de prendre contact. Le document se termine ainsi: « vous remercions d’ores et déjà, de votre intérêt actif pour la protection des Droits de l’Homme dans notre pays ».
NDLR :Le texte intégral du document adressé aux médias est téléchargeable à partir du lien ci-dessous:
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