C’est l’été…par Denis Blémont-Cerli
26 juillet 2009
C’est fou mais simplement ce titre invite au farniente et pour en saisir toute la tessiture il faut le prononcer en bâillant. Bien entendu vous ne ferez pas usage de ce bâillement lapidaire et responsable et que vous commettez parfois au travail vers 14h17 alors que le matin même encore, votre chef de service a repoussé d’une chiquenaude humiliante votre augmentation tant méritée.
Non, là ouvrez grande la bouche, exprimez-vous bon sang en disant «c’est l’été…, je l’ai bien mérité…». Voyez alors comme vous êtes bien, pour preuve une minuscule perle de larme a jailli à l’angle de vos yeux humides de félicité.
« C’est l’été et j’ai bien mangé », répétez-vous en bâillant. Votre petit coussinet est bien arrondi, ce mignonnet ventre bien dodu que votre femme dit adorer alors qu’elle fantasme en secret sur les tablettes de chocolat du voisin, un grand sportif celui-là. « C’est l’été et la pie saladière* était vraiment succulente » dites-vous pour vous même tout en vous demandant si c’est bien ce volatile qui l’a cuisinée. Maintenant le petit rosé glacé de midi fait son effet, la tête est lourde et a une tendance naturelle à prendre une certaine autonomie en pointant vers le nombril. Le corps s’effondre et la fusée des rêves décolle.
À présent un ronflement grave fait concurrence aux cigales.
C’est parti, la pensée béate, l’âme s’est envolée, elle plane comme le goéland, espiègle elle participe à l’azur, s’y enfonce en jouissant. Vous voilà revenu au jardin des délices, une déesse proche de Vénus vous y accueille et vous offre la plus belle des félicités, la rêvée…
Las, rien ne dure et voilà que tout à coup vos songes vous ramènent à vos soucis terrestres. Fichtre ce n’est pas rien, une possible fermeture de l’usine qui vous emploie depuis 1988. À cette pensée votre humeur s’assombrit : que la peste tombe sur ceux qui ont voté Sarkozy en 2007 ! Qu’une escadrille de frelons viennent leur piquer le trou du cul… prononcez-vous dans votre sommeil devenu agité.
Aie ! ouaille ! vous vous réveillez en hurlant.
Une maudite guêpe vient de vous enfoncer son dard dans la fesse gauche !
Vous avez juste le temps de l’écraser avec votre espadrille avant de vous souvenir d’une chose que votre inconscient avait enseveli sous une stratification d’amnésie : vous aviez voté Sarkozy en 2007…
* s’écrit en réalité PISSALADIERE mais pour un jeu de mots, même mauvais, je suis capable du pire…
* Retrouver Arlette Shleifer dans Trace, Figure, Passage , Michel Moretti dans Mal Chronique, Elèna Piacentini dans Elénarration, Thierry Venturini dans L'effet Venturini et Denis Blémont-Cerli dans Homo machinus sempre emmerdae
Cher Denis,
As-tu lu "Voyage en Italie" de Giono? La philosophie du bonheur y transpire à pleines gouttes et les réflexions qu'on y trouve sur les événements et les hommes nous consolent de bien des discours et vocabulaires grandiloquents...
C'est par une après-midi de début d'automne que Giono arrive pour la première fois dans Vérone silencieuse et endormie:
" Je les comprends, écrit-il,. Il ne faut pas croire que celui qui nous donne les renseignements Via Trotta, ait fini sa sieste. Il dort debout; il dort, les yeux ouverts, il parle en dormant, en continuant un petit rêve d'après-midi." Et plus loin: "Dormir, même avec jeux à la clef, mais finalement dormirest la très grande affaire; et surtout, DORMIR LE JOUR, voilà le signe de la richesse, du bien-être, de la grandeur! C'est un Monsieur qui dort le jour! On le salue, on le respecte, on le craint... Il méprise amour, délices et orgues venant d'ailleurs que de lui-même; il méprise commerce et industrie, politique, intrigue et pouvoir. c'est évidemment ou le signe d'une très grande puissance ou celui d'un très grand courage. De toute façon, c'est un Monsieur..."
Ces quelques lignes de "voyage en Italie" m'ont mis du baume au coeur... Moi qui vivais avec un permanent complexe d'infériorité, que des propos perfides rendaient encore plus tenace, je peux désormais, dans l'intervalle de mes sommeils, aller la tête haute... (Sic)
L'honnêteté m'oblige à dire que tout ce qui précède a été écrit dans la chronique "Le coin de Diogène" que tenait Henri Ceccaldi jusque dans les années 50.
La sieste est l'heure tranquille où les lions ne chassent pas. C'est le moment où l'on songe... Il est vrai que L'Ancien et le nouveau testament nous fournissent de nombreux exemples de songes qui se sont réalisés.
Et puis, il y a l'interprétation des rêves! Comment analyser la transformation d'une déesse proche de Venus en une guêpe qui te pique la fesse gauche?
Quelle guêpe t'a piqué?
Etait-ce une guêpe-hier qui te fait prendre la mouche aujourd'hui?
Dans quel guêpier t'es-tu mis?...
Et voilà que ton beau rêve finit par le bourdon: il ne fallait pas, hier, voter Sarkozy!
Je préfère les dormeurs de Verone décrits par Giono à ton dormeur qui a bien mangé, bien bu et a le ventre bien tendu... tueur de guêpe alors qu'il mérite qu'une escadrille de frelons viennent lui piquer le trou du c...
Rédigé par : Jean-Paul | 29 juillet 2009 à 09:13