L’angoisse de l’auteur avant la parution par Denis Blémont-Cerli
14 avril 2009
Personne
ne le sait mais les auteurs vivent des jours difficiles et ce n’est pas
nouveau. Regardons les choses en face, si les gros éditeurs n’avaient pas
pris les lecteurs pour des demeurés en vendant leurs livres trente voire quarante
fois le prix de revient, on n’en serait pas là, les lecteurs se feraient
moins rares.
Je m’explique. Sachant qu’avec un tirage conséquent,
un livre coûte 50 centimes à l’impression, devinez un peu ce que gagnent
les grands groupes ?
La
preuve que le livre rapporte un maximum aux petits malins, c’est la vente du groupe Editis, numéro deux de l’édition
française, propriété du groupe Wendel au géant espagnol Planeta
pour la bagatelle de 1,026 milliard d’euros. Au passage, une poignée de
dirigeants se sont partagés 37 millions de plus-values sur action. Editis c’est Bordas, La Découverte, Nathan, Syros,
Perrin, Fleuve Noir, Belfond, Presses de la Cité, Omnibus, Solar,
Retz, Plon, Robert Laffont, Julliard, 10/18, ainsi que les dictionnaires Le
Robert, les éditions du Cherche Midi, First, XO, Paraschool, De Boeck, Gründ…
J’en oublie sans doute.
Disons-le
tout haut : les grandes maisons se bourrent les poches, elles pourraient
vendre leurs ouvrages en divisant le prix par deux sans mettre leur finance en péril, surtout en ce moment où la crise fait
fuir les lecteurs vers les bibliothèques publiques.
En
revanche, pour les salariés du livre et les auteurs, c’est la débandade.
Les salaires dans l’édition s’apparentent à une obole, un assistant
d’édition à bac+5 est payé au SMIC. Quant aux auteurs, pour en parler, il
vaut mieux se prémunir à l’avance d’un mouchoir conséquent.
L’auteur touche 8 à 10 % sur les ventes d’un livre hors TVA. Les
droits d'auteur sont acquittés une fois par an à partir d'un relevé d'un compte
établi par l'éditeur, de fait, l’auteur ne peut jamais vraiment savoir
combien il a vendu. Mais dans beaucoup de petites maisons d’édition,
l’auteur ne touche JAMAIS un centime sur ses droits. Pourquoi ?
Parce que la plupart du temps l’auteur inconnu édité à compte d'éditeur,
trop content d’avoir trouvé un éditeur, n’ose même pas réclamer son
dû. En conséquence, écrire lui coûte beaucoup de temps et aussi de l’argent
car l’auteur se déplace, il fait des salons et, le plus souvent, il paye
son hôtel et son restaurant avec ses propres deniers.
L’auteur
n’a pas droit aux allocations chômage car il ne bénéficie pas du régime
des intermittents du spectacle, la plupart du temps il subsiste grâce à un
autre emploi ou une pension, quand il n’est pas tout simplement au RMI. On comprend pourquoi il tremble tant à chacune de ses
nouvelles parutions…
Écrire
des livres, c’est beau, ça vous classe un homme mais pour gagner de l’argent
il vaut mieux être plombier qu’écrivain, ça c’est une
certitude…
* Retrouver Arlette Shleifer dans Trace, Figure, Passage , Michel Moretti dans Mal Chronique, Elèna Piacentini dans Elénarration, Thierry Venturini dans L'effet Venturini et Denis Blémont-Cerli dans Homo machinus sempre emmerdae
Petites précisions sur le post-scriptum de ma première rubrique, il a été tiré du livre « Les dossiers noirs du capitalisme » paru en 2001. Mes sources sont sans doute, comme toutes les sources, sujettes à caution mais je n’ai rien inventé. Je cite un par ailleurs un extrait d’un article paru dans les Échos le 11 aout 2000 : « C'est peu après la première guerre que les Wendel sont devenus dans l'opinion publique le symbole par excellence du capitalisme, concentrant l'hostilité et la haine de la gauche pour laquelle ils incarnent le « pouvoir maléfique des trusts », la férocité des marchands de canons, la puissance occulte des « 200 familles » et l'insupportable collusion entre le monde des affaires et celui de la politique..
D’ailleurs voici un extrait de poème publié en 1949 par Jacques Prévert : Les Schneider, les de Wendel, tous les vieux débris du Creusot, tous les édentés carnivores, tous les vieux marcheurs de la mort…
Mais il y a aussi des historiens qui défendent cette famille, par exemple Serge BONNET, dominicain, directeur de recherche au CNRS, historien et sociologue, auteur d'ouvrages sur la religion et l'histoire ouvrière dans son presbytère d'un petit village de la Meuse, ou il a réuni trente tonnes de documents. Il ouvre un dossier encore inédit, concernant les légendes politiques et en particulier l'histoire (1916-1946) des plus anciens maîtres de forges de Lorraine « les Wendel ». Il tente de démontrer le non-fondement des accusations portées régulièrement contre cette famille par la presse et certains hommes politiques jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Il évoque les différentes attaques portées contre cette famille toute puissante dans la région et en particulier contre François de Wendel, président du comité des forges en 1916, notamment l’affaire du non-bombardement du bassin de Briey (les maîtres de forges auraient obtenu que leurs mines et leurs usines ne soient pas bombardées) autres accusations en 1923, a l'époque de l'occupation de la Ruhr puis en 1930, quand le journal « le crapouillot » lance le thème des marchands de canon. Alors que les Wendel ne fabriquaient appartement plus d'armement et enfin en 1946, quand le journal « Action » annonce que les Wendel ont vendu leurs mines et leurs usines a Goering (illustration par des extraits des actualités Gaumont et de nombreux documents). Avec le témoignage de madame salières, fille de Maurice de Wendel, etc.
Toutefois je constate que c'est le célèbre Jacques Marseille qui a écrit la biographie des Wendel et on connaît les opinions du bonhomme : ultra libéral intransigeant, combattant obstiné de la gauche... L’article de Wikipédia sur cette famille semble d’ailleurs avoir repris en grande partie les propos de son livre.
Alors légende ou manipulation ? Il est vrai – de par l’histoire de mon père, orphelin d’un poilu de Verdun - que j’ai une « dent » contre les marchands de canons de 14/18 et chaque fois que je passe devant un monument aux morts dans nos villages, je suis effaré par le nombre de victimes que j’y trouve. Dans ce post scriptum je me suis peut-être trop avancé mais cette famille richissime dont la fortune colossale a traversé les tempêtes de deux guerres mondiales apparaît au minimum suspecte. Et puis, si on veut bien admettre une bonne fois pour toutes la férocité de l’hypocrisie bourgeoise, il ne serait pas étonnant qu’elle fasse tout pour restaurer une mémoire bien encombrante…
Rédigé par : Denis | 15 avril 2009 à 17:37
Je ne veux pas entrer dans la polémique mais je fais remarquer simplement à "[email protected]" et "[email protected]" que, lorsque l'on fait le moraliste et le détenteur d'une vérité historique, on n'avance pas à visage masqué.
Même sur l'Internet, on peut avoir le courage de s'identifier. L'anonymat n'est pas un gage de bonne foi.
Rédigé par : Jean-Paul | 15 avril 2009 à 16:29
Merci au moderateur d'avoir indiquer ces 2 livres d'historiens serieux. L'article journalistique de challenges n'a en revanche rien a voir avec la question du role suppose de la famille Wendel pendant la 1ere guerre mondiale et ne devrait pas etre cite.
Merci aussi a l'auteur d'avoir retire de l'article ci-dessus ses propos polemiques et, ce qui est plus dangereux, inexacts.
Internet, malgre la facilite d'expression qu'il procure, ne donne en aucun lieu le droit de tenir des propos
racoleurs et faciles.
Rédigé par : [email protected] | 15 avril 2009 à 16:01
Afin d'éviter toute polémique inutile sur le groupe Wendel et son histoire, le modérateur de ce blog a préféré remplacer les commentaires reçus par ces deux indications de lecture:
* Jean-Noël JEANNENEY, François de WENDEL en République : l'Argent et le Pouvoir (1914-1940), Editeur SEUIL, 1976.
* Jacques MARSEILLE, Les Wendel, 1704-2004, Perrin, 2004.
Sur l'actualité plus récente des stratégies industrielles du groupe Wendel, voir aussile dossier du magazine Chalenge
http://www.challenges.fr/magazine/encouverture/0132.015906/scandale_dans_la_famille_wendel.html
Rédigé par : NDLR | 14 avril 2009 à 18:42