Avis de tempête sur l’édition par Denis Blémont-Cerli
20 novembre 2008
La
rentrée littéraire n’a pas eu l’effet escompté sur les ventes, la
crise est là et novembre semble sonner le prochain glas des éditeurs et des libraires
les plus fragiles. Seul
Albin Michel paraît en pleine forme avec trois succès coup sur coup, le
« Miserere » de Christophe Grangé,
« Le fait du prince » d’Amélie Nothomb
et « Paradis sur mesure » de Bernard Werber,
trois livres dont les ventes sont à peu près à la hauteur des prévisions, c'est-à-dire
d’au moins 50000 exemplaires. Bien
au contraire, chez les autres éditeurs c’est la débandade.
Comme
on pouvait s’y attendre, le livre le plus discutable de la rentrée,
c’est à dire « Ennemis publics » (Flammarion), qui, pour rappel,
est une correspondance entre les deux « intellectuels » les plus mal
aimés de France, Michel Houellebecq et Bernard-Henri Levy, a fait un flop. Tiré à plus de 150.000 exemplaires, à
peine 14.000 se sont vendus la première semaine et 7.000 à la seconde. Et comme
nos deux écrivains avaient demandé 300000 € chacun d’avance, on
imagine la catastrophe financière que cela représente pour Flammarion qui devra
également faire face à la mévente complète du livre de Catherine Millet !
Cela ne va pas mieux au Seuil. Avec « le Marché des amants » de Christine Angot, cette maison comptait toucher le jackpot, au final à peine 15.000 ventes ont été réalisées à ce jour. Le Seuil, qui avait consenti un à-valoir très important à la reine Christine, aura certainement des difficultés en 2009…
Au final, c’est tout le marché du livre qui connaît un très net ralentissement, étant donné que même les succès quasi certains se transforment en simple succès d’estime : il y a du pilon dans l’air !
Las, bien plus grave que les soucis des grosses maisons d’éditions parisiennes qui ne nous arracheront pas un soupçon de larmes, car elles sont adossées très souvent à de grands groupes, c’est tout l’avenir du réseau des librairies indépendantes qui est menacé. On le sait, la chaîne du livre est d’une extrême fragilité avec notamment la raréfaction du crédit. La crainte des professionnels se concentre sur une récente disposition de la loi de modernisation de l’économie laquelle prévoit notamment de réduire les délais de paiement aux entreprises à 45 jours alors qu’il est actuellement, dans l’édition, de 100 jours au moins ! Cette réduction brutale risque d’envoyer à la faillite beaucoup de libraires et aussi les petites maisons d'édition indépendantes qui tirent « le diable par la queue ».
En
tout état de cause, à moins d’un miracle, il faut s’attendre à
souffrir. Pour ma part, je ne suis pas certain du tout de sortir un livre en
2009 et pourtant j’ai deux maquettes prêtes au tirage. To wait and to see…
* Retrouver Michel Moretti dans Mal Chronique, Elèna Piacentini dans Elénarration et Denis Blémont-Cerli dans Homo machinus sempre emmerdae
Une petite précision sur les auteurs... Les exemples donnés sont des guest-stars de la littérature parmi les 3% d'auteurs qui vivent de leurs écrits...
De façon générale, le dernier payé et le moins bien payé de la chaîne du livre est l'auteur, surtout lorsqu'il est édité par une petite maison d'édition régionale...
Les libraires perçoivent 32 à 40% du montant d'un livre contre en moyenne 8 à 10% pour l'auteur que ce soit en librairie ou sur les salons.
Une chose est sûre: ce ne sont pas les auteurs qui sont responsables des difficultés des éditeurs et des libraires.
Rédigé par : Jean-Paul | 21 novembre 2008 à 14:53