Quidam, une nouvelle rubrique qui interroge
15 octobre 2008
QUIDAM, subst. masc.
A. DR., vx. Personne dont on ne peut, dont on ne veut dire le nom.
B. P. ext., fam., péj. ou p. plaisant. Personne dont on ignore le nom ou qu'on ne veut pas nommer. Synon. fam. type, pop. gars, bonhomme, arg. mec, zigue.
Étymol. et Hist. 1. Fin XIVe s. Ung quidem « un certain individu » (Récits d'un bourgeois de Valenciennes, éd. Kervyn de Lettenhove, p. 272); 2. 1478-80 ung quidam « personne dont on tait le nom » (G. COQUILLART, Le plaidoyer, éd. M. J. Freeman, v. 244). Mot lat. quidam
« un certain », semble venir de la lang. de la procédure où il
désignait une personne qu'on ne pouvait pas ou qu'on ne voulait pas
nommer. (Source: TLFi)
Pour ouvrir cette nouvelle rubrique, le Quidam du jour a choisi La Marseillaise. Allons z'enfants, aux armes et cætera...
Quidam s’interroge sur La Marseillaise…
Au stade de France, au début du Match France-Tunisie, la Marseillaise a été sifflée une fois de plus. Pourtant, l’hymne national était chanté par une Française d’origine tunisienne. Que peut-on en penser ? D’aucuns en profiteront pour exacerber le racisme par des commentaires du genre : « Les Arabes nous insultent chez nous… Allez siffler leur hymne chez eux et vous verrez ce qui vous arrive, etc… »
Ne faudrait-il pas en profiter pour porter notre réflexion plus loin qu’une réaction de racisme primaire, en revenant d’abord sur les paroles de la Marseillaise qui sont guerrières et contiennent une métaphore à connotation raciste en parlant de « sang impur ». Elle symbolise la révolution de 1789 et les guerres patriotiques qui ont suivi. Ainsi elle s’inscrit dans la mémoire collective et le, souvenir des François morts pour la France. La génération actuelle la chante parce que d’autres avant l’ont chanté…
Au XXIème siècle, cela justifie-il que l’on demande aux générations actuelles et futures d’entonner cet hymne guerrier d’un autre âge qui symbolise aussi la terreur d’après la révolution de 1789 et toute la politique coloniale? Vouloir en discuter n’est pas une atteinte à l’honneur de la France mais, bien au contraire, c’est essayer d’y voir plus clair dans une France qui a évolué, qui est multiraciale et multiculturelle. Comment créer une unité nationale avec un hymne qui ne rassemble plus à personne si ce n’est à la droite héritière du Gaullisme et à l’extrême-droite?
Parmi les Français d’aujourd’hui, nombreux sont d’origines étrangères et d’autres revendiquent leurs identités qui n’ont pas d’origine gauloise.
Maintenir la Marseillaise comme hymne national, ne serait-il pas du même niveau que continuer à faire apprendre l’histoire de France en commençant pas la phrase « Nos ancêtres les Gaulois » à des Corses, des Catalans, des Bretons… ou encore à des Français originaires d’anciennes colonies ?
Alors que le monde bouge et que les peuples se brassent, devra-t-on encore longtemps imposer, lors de compétitions sportives internationales, un hymne qui ne fait plus l’unanimité au lieu de le remplacer par un autre plus fraternel et plus ouvert aux autres ?
Est-il toujours défendable de vouloir que tous se fondent dans une masse nationale au nom d’un néo-conservatisme crispé sur des privilèges et sur un hymne immuable?
Ne faudrait-il pas repenser le concept de nation inadapté à ceux de peuples et d’humanité ?
Et si on commencer en changeant les paroles de La Marseillaise ? On ne pourra encore longtemps occulter un débat qui a déjà été ouvert depuis plusieurs années.
Pour passer du football à un bon polar corse, je recommande "Carton rouge" écrit par Paul Milléliri et publié chez Albiana qui a mis en ligne le début du premier chapitre dont je livre un extrait qui devrait donner envie de le lire:
"Le foot, vous aimez ?... Moi, l’Ohème, c’est ma passion. Attention ! je dis passion. Pas amour… L’amour, je connais aussi. C’est autre chose. Si ça vous chante, on en parlera plus tard.
Faudrait quand même pas en conclure que je suis de ces jobastres aux torses nus qui garnissent les travées du Stade Vélodrome. Des fadas qui été, automne, hiver, printemps, mistral ou tramontane, braillent dans le mégaphone pour exciter des plus nessi qu’eux. Non. Moi, avant tout, je suis pour le jeu. Le beau jeu ! Et le beau jeu, en France, c’est l’Ohème. Personne ne peut dire le contraire. Sauf des Parisiens ou des Lyonnais. Des chauvins incapables de faire la différence entre un bûcheron allemand et un artiste du ballon rond comme Zizou.
Je dis ça pour parler. Manière de dire, quoi. D’abord, Zinédine n’a jamais porté notre maillot. Pôvre ! je le sais bien. Ensuite, des Allemands, depuis qu’on a fait l’Europe, il en faut. Des bûcherons aussi, d’ailleurs. Mais pas sur un terrain. Ou alors, à la rigueur, un ou deux. Et encore ; façon Di Meco : ça c’était pas du fond de gamate ! Tiens, juste pour se faire respecter à domicile pour le cas où, un jour, scoumoune aux autres ! on ne serait pas récompensés par notre beau jeu.
Si je vous déballe mon point de vue sur le plus grand club français de tous les temps, c’est parce que, j’en suis conscient, mon histoire, en gros, ne serait jamais arrivée sans ma passion. Encore que…"
Rédigé par : Jean-Paul | 18 octobre 2008 à 16:06
Comme Jean-Paul, je pense que siffler un hymne est lamentable (oui, même un truc aussi moche que la Marseillaise !). Cela étant, il faudrait peut-être s'interroger sur la place des hymnes dans les stades. Que viennent-ils faire au milieu, finalement ? Sauf à reconnaître que certaines rencontres sportives sont des simulacres de batailles, et qu'en courant après une baballe, on a la prétention de laver l'affront d'Azincourt, de Bannockburn, ou de Sedan… Est-ce bien raisonnable ? Est-ce même acceptable ? Combien y'a-t-il de bovins incapables de shooter, dribbler, de faire une chistera ou de pousser en mêlée qui s'enflamment lors d'une coupe du Monde quelconque, non par amour du sport, mais parce que c'est "eux" contre "les autres" ? Une sacrée tripotée… Le sport ne les intéresse nullement, ils vivent, en temps de paix, un combat par procuration. Et la notion de "match amical" leur passe largement au dessus de la coiffe. L'interprétation des hymnes avant le match les conforte dans l'idée que ce qui se joue là n'est précisément pas un jeu sportif mais une affaire grave. Le sport n'est pas une affaire d'états, et moins encore une "affaire d'Etat". Seulement voilà, depuis l'Antiquité, la recette est éprouvée : du pain et des jeux ! Et lorsque le prix du pain flambe, il est bon de miser à fond sur les jeux et le chauvinisme minable qu'ils peuvent alimenter. Il y a belle lurette que l'opium du peuple n'est plus la religion, mais bien plutôt le foot. En règle générale, je n'aime guère les solutions qui tendent à résoudre un problème en faisant table rase de tout, j'ai horreur du côté "si tu as des poux, ben on te rase ! au moins, c'est radical !" Certes. Et c'est aussi, un brin facile. Mais en l'occurrence, j'en viens à me dire que le mélange entre le sport et la politique internationale est peu judicieux.
Au passage, Jean-Paul, merci pour les paroles de la chanson de Béart. Mais à mon sens, lorsque , justement, l'occasion est donnée à quiconque d'être autre chose qu'un quidam et de pouvoir se détacher de ce blob grisâtre, anonyme, qu'on appelle la "majorité silencieuse", on ne doit pas la refuser. Ou alors on accepte de subir et de ronger son frein. En silence. Rien n'est plus pitoyable à mes yeux, aujourd'hui, que ces forums de discussion où, sous le couvert douillet d'un pseudo souvent ronflant, le premier Bidochon venu joue les Spartacus, vomit sa bile, sa hargne voire sa haine… avant de sortir prendre son RER en rasant les murs et en veillant à ne surtout pas croiser le regard de quiconque. Sur ce blog, nous avons l'occasion de ne pas sombrer dans ce travers pathétique. Ce qui me rend un quidam précieux, c'est le fait que tout en n'étant personne aux yeux des médias, il a malgré tout conscience d'être quelqu'un d'unique, dont l'avis vaut tout autant que celui d'une fille de chanteur qui, pour exister et se faire un "prénom" se paie une injection de silicone dont le coût couvrirait 6 mois de bouffe pour le quidam sans-abri dont elle affecte de chausser les patins.
Amitiés
Rédigé par : Elisabeth | 18 octobre 2008 à 15:25
Les sifflets de la Marseillaise ont fait plus de bruit et couler plus d'encre que les saluts nazis et fashistes dans certains stades. C'est la quatrième fois en France que la Marseillaise est sifflée dans un stade dont une fois en Corse. Alors, s'agit-il d'un problème profond lié à la radicalisation des communautarismes ou bien un simple phénomène lié au foot ball?
A chaque match, les visiteurs sont sifflés et insultés copieusement... C'est cela l'esprit sportif dans un stade de foot ball.
Par ailleurs des enseignants font part de leur inquiétude devant les entorses faites à la laïcité dans les établissements de l'Education Nationale et les provocations communautaires qui en découlent.
Certes le débat sur la Marseillaise et plus généralement sur les hymnes nationaux dans les stades se pose. Certes La Marseillaise ne fait pas l'unanimité et les paroles peuvent être remises en cause. Mais il faudrait aussi revenir à une valeur républicaine "la laïcité" et à des compétitions sportives qui ne soient plus des occasions d'exprimer sa haine de l'autre.
Par ailleurs, la récupération politique des exactions de quelques uns apparaît comme bien dérisoire lorsque l'on est dans une crise économique qui va peser sur les plus démunis.
Au lieu de créer les conditions d'une entente entre les communautés, on crée celles d'un développement des haines.
On sait comment cela s'est terminé dans certains pays et à d'autres époques. Il ne restera plus qu'à désigner une communauté responsable de tout... et que "son sang impur" abreuve nos sillons et ce ne sont pas les "cohortes étrangères" qui vont faire la loi.( relisez La Marseillaise )
En Corse, on sait ce que veut dire la haine de l'autre. On la subit souvent jusqu'à entendre dire que la Corse serait mieux sans les Corses. Il ne faut pas hurler avec les loups sans toutefois tomber dans l'angélisme.
Siffler un hymne quel qu'il soit dans un stade est lamentable mais la violence verbale dans les stades crée les conditions de tels débordements. Les insultes racistes sont plus fréquentes que les hymnes sifflés.
Alors au lieu de chercher des mesures pour stopper les sifflets, peut-être vaudrait-il mieux s'interroger sur des problèmes plus importants que cela soulève dans le monde du foot ball et dans notre société.
Rédigé par : Jean-Paul | 17 octobre 2008 à 22:26
Le Chant des Partisans est encore plus beau, chanté en italien...
Lire Elisabeth est toujours un plaisir, car elle joue sa partition avec son coeur et la note est juste, ni un ton au dessus, ni un ton en dessous, avec la couleur qui sied à son humeur.
Rédigé par : Eléna Piacentini | 16 octobre 2008 à 19:32
A propos de La Marseillaise, je dis que Bernard Laporte a raison : Ne jouons plus contre les équipes du Maghreb !
De la même façon, ne jouons plus contre les cuistres qui ont l'outrecuidance de nous battre, bafouant ainsi de la plus ignoble façon notre orgueil national !
Poursuivant sur cette voie subtile, je suggère de faire exploser ce putain de soleil qui nous brûle la peau chaque été, et d'éradiquer la mort qui nous plonge dans les affres de l'angoisse existentielle !
Ceci dit, même si la pensée du quidam ne m'est pas indifférente, j'aime bien savoir qui parle, et partage en cela l'opinion d'Elizabeth.
Avec mes amitiés, Jean-Pierre Petit.
Rédigé par : jean-pierre Petit | 16 octobre 2008 à 18:59
Chanson de Guy Béart dédiée à Elisabeth...
Le quidam
(... qui eut son quart d'heure de gloire)
Ecoutez l'histoire à coup sûr obscure
D'un pauvre quidam et de ses tourments
Tout ce qu'il subit comme mésaventure
Pour connaître enfin la gloire du moment
Il était simple quidam
Son père était quidam
Son frère était quidam
Et lui était quidam aussi
Pour gagner l'appui de quelque mécène
Et l'actualité par action d'éclat
Il commença par se jeter dans la Seine
Mais aucun canard ne passait par là
Il fut repêché grelottant de gouttes
Par un vieux passant, un quidam parfait
Qui le réchauffa, lui paya la goutte
Et lui dit Adieu! Sans s'être nommé
Il était simple quidam
Son père était quidam
Son frère était quidam
Et lui était quidam aussi
Jamais ne parut sa photographie
Sur aucun placard, sur aucun trottoir
Alors une nuit, pour corser sa vie
Il brûla le siège d'un journal du soir
Il eut beau clamer qu'il était coupable
On l'ignora car il était trop pâle
Puis on arrêta d'autres misérables
Qui tous avouaient comme il était normal
Il était simple quidam
Son père était quidam
Son frère était quidam
Et lui était quidam aussi
Pourtant un beau jour, il fut pris, c'est bête
Pour un crime qu'il n'avait pas commis
Quand le procureur demanda sa tête
Il fut condamné par chance inouïe
Ce jour-là, on vit partout sa bobine
Dans tous les journaux de notre contrée
Puis elle parut sous la guillotine
Ce fut le début de sa renommée
Il n'est plus simple quidam
Son père reste quidam
Son frère reste quidam
Et lui est mort célèbre, enfin!
Malheureusement une coquille infime
Se glissa dans l'orthographe de son nom
De sorte qu'hélas, toujours anonyme
Il mourut quidam et sans rémission
Il était simple quidam
Son père était quidam
Son frère était quidam
Et lui était quidam aussi.
Rédigé par : Jean-Paul | 16 octobre 2008 à 14:25
Les opinions et les questions ne manquent pas dans ce blog multi-auteurs depuis sa création. Elles sont nombreuses a être assumées par leurs auteurs. D'autres, dans les commentaires ou dans une chronique s'expriment derrière un pseudonyme. Elles n'en suscitent pas moins un sain débat. L'essentiel dans cet espace de liberté étant que le plus grand nombre d'auteurs, d'amis, de lecteurs, d'internautes s'expriment. C'est pourquoi les commentaires sont ouverts et toujours modérés. La seule règle étant le respect de l'Autre et des lois. C'est pourquoi aussi il nous a semblé opportun de ne pas nous priver d'une chronique ouverte à tous ceux qui ont envie de poser des questions, de s'interroger, sans pour autant sortir de leur anonymat.
Ces choix ne sont pas, à mon sens, contradictoires. Ils se complètent, s'enrichissent l'un l'autre. Comme Elisabeth, je préfère savoir qui parle et qui écrit. Mais il y a aussi des paroles de Quidam qui sont riches et pertinentes et des auteurs sans nom qui ont de la gueule. Rien n'empêche non plus que nos prochains Quidam s'emparent de cette rubrique pour s'exprimer en leur nom. Un espace, un de plus, est ouvert. C'est à chacun de nous d'en user comme il l'entend.A chacun de nous aussi d'entendre ceux qui disent "bas les masques" comme ceux qui n'osent pas encore lever le leur.
C'est mon opinion, rien que mon opinion. Et comme dit l'autre, je la partage !
Ugo
Rédigé par : Ugo Pandolfi | 16 octobre 2008 à 09:50
Changer les paroles ? Seulement les paroles ?
Mais… la musique aussi est fort vilaine… On a connu des flon-flons pour kermesse qui, en comparaison, étaient infiniment plus mélodieux. Il faut croire que Rouget de Lisle, à qui l'on prête non seulement d'avoir commis les paroles mais encore ce que je me refuse à appeler une musique, avait un certain don de prescience. Que dis-je ? C'était un grand devin ! Cet homme-là savait que son "œuvre" était destinée à être braillée en chœur par des hordes de bovins dopés à la bière (mais n'ayant rien à voir, cependant, avec les bœufs de Kobé) lors des heures graves comme le Mondial de foot ou le Tournoi des Six Nations… Un grand visionnaire, vous dis-je !
S'agissant d'amender les paroles de ce monument de la bande-son circassienne, la question est d'autant plus justifiée que voilà peu, on se posait celle de savoir s'il ne fallait pas réformer l'hymne de l'Ecosse, Flowers of Scotland (musicalement très réussi ma foi) en raison de certaines paroles un peu dures à l'égard de l'Angleterre. On se posait moins la question, bizarrement, au sujet du God save the Queen, qui ne fait pas toujours dans la dentelle.
Toujours est-il que, s'il faut réformer, le mieux selon moi serait, pour La Marseillaise, de jeter et le bébé et l'eau du bain. Carrément !
J'avoue préférer de très loin le Chant des partisans. Paroles et musique me conviennent beaucoup plus.
Et puisque j'y suis, si l'idée d'une rubrique Quidam n'est pas pour me déplaire, du moins au sens où l'on donne la parole au fameux citoyen "lambda", je suis un peu lasse de la "tendance soldat inconnu". C'est fort joli de respecter l'étymologie, mais ça manque de "viande" tout ça ! Crénom ! Warhol disait à peu de choses près que chacun a droit à son quart d'heure de gloire… Je ne détesterais pas -et c'est un euphémisme- lire ici un peu plus d'opinions ou de questions, endossées, assumées par leurs auteurs, qu'ils soient ou non d'illustres inconnus. Peu importe. Ceci, à ma connaissance, est un espace de liberté où l'on est seul maître de ce qu'on écrit, où l'on a la chance de n'endosser que ses propres propos. C'est rare. Et précieux. On peut choisir de se taire pour tout de bon, c'est aussi un droit. Mais lorsqu'on choisit de l'ouvrir, il est dommage de s'en tenir à un "mon nom est personne et ne vous dirait rien".
Y'en a un peu marre des "majorités silencieuses" et plus encore anonymes, de l'homme de la rue qui, à force de l'ouvrir uniquement sous couvert d'anonymat, perd toute crédibilité.
A n'avoir pas plus de visage que de nom, on finit un jour par n'avoir plus de "figure".
Rédigé par : Elisabeth | 15 octobre 2008 à 20:52