Les auteurs viennent de Mars et les lecteurs de Venus… (suite 4) par Denis Blémont-Cerli

Aujourd’hui nous étudierons le lecteur/nunuche. Celui-ci n’a pas d’ascendant connu simplement par le fait que n’ayant jamais lu que des harlequinades il n’a aucune culture littéraire, c’est un champ quasi vierge…

« Le lecteur/nunuche (qui peut être méchant…) »

Nous trouvons le lecteur/nunuche essentiellement en supermarché où il se fait avoir en achetant toujours la dernière nouillerie à la mode et rien d’autre. C’est celui-là qui fait le succès du Da Vinci Daube, on le retrouve aussi parfois dans les signatures à faire la queue sur cinquante mètres pour se faire dédicacer le dernier Marc Levy. Entendons-nous bien, tout le monde, même moi, a lu un Marc Levy, on peut aussi en avoir acheté un voire deux, l’erreur est humaine. Mais continuer à se procurer tous les six mois des copiés/collé des précédents à 21 €, je trouve cela vraiment dommageable quand tant d’auteurs de talent rament…

Une autre caractéristique du lecteur/nunuche c’est parfois de dévaloriser méchamment le « petit auteur ». L’autre jour, lors des Nocturnes, une dame prend un de mes livres en main. Il s’agissait de mon polar « Marseille Corse, aller simple » un livre pour lequel je n’ai eu que des louanges dithyrambiques, hélas petit tirage et son corollaire, une diffusion restreinte, en ont fait un simple succès d’estime. La voyant intéressée je lui raconte la trame du livre, l’atmosphère, l’introspection de mon personnage principal, etc, elle attend la fin de mon argumentaire, repose le livre et m’assène cette phrase assassine :

– De toute façon, je n’achète que les auteurs connus, c’est à dire les bons livres…

* Retrouver Michel Moretti dans Mal Chronique, Elèna Piacentini dans Elénarration, Thierry Venturini dans L'effet Venturini et Denis Blémont-Cerli dans Homo machinus sempre emmerdae

Comments

[Rédigé par : loule de marseille]

Denis, ma réponse n'est pas de l'indignation et l'humour dont tu fait preuve me plait. J'espère que tu continueras longtemps... J'adore... Juste que lecteur Nunuche me dérange, car, dés mes premiers livres je pensait comme toi. Je considérai le lecteur un peu comme certains considèrent les femmes. Celles que j'ai eu et celles que je n'ai pas eu.
Je ne comprenais pas que l'on ne s'intéresse pas à mes écrits et, c'est le pus grave, je pensais que ceux qui achetaient mes opus n'avait rien dans la tête. L'auteur n'est jamais satisfait de ces oeuvres, c'est connu.
Avec le temps j'ai appris à relativiser.
Je t'adore Denis.

[Rédigé par : loule de marseille]

Alors comme ça tu m'a reconnu ?
Je t'embrasse ami !

[Rédigé par : denis]

Hé les mecs ! En décidant de créer une suite de rubrique « Les auteurs viennent de Mars et les lecteurs de Venus… » je ne m’attendais pas à tant de réactions « indignées ». Bon j’exagère dans mes rubriques, c’est certain, je rappelle que j’essaie de faire de l’humour et qu’il ne faut pas tout prendre à la lettre. Moi aussi je me dévoie à lire du « commercial », par exemple je viens de finir un Musso que j’ai apprécié et pourtant on dit que c’est un clone de Levy. Mais en ce qui concerne la « phrase assassine » c’est du vécu, je n’ai en rien exagéré.

[Rédigé par : jean-paul]

Cher Denis…

Puisque Loule de Marseille ( que je pense avoir reconnu ) m’encourage, je poursuis même si je dois abandonner toute sagesse.

Je ne sais pas si cela a été précisé mais le titre de ta chronique s’inspire de celui d’un best Seller... « Mars est le dieu de la guerre, Vénus la déesse de l'amour ». C'est ainsi que son auteur John Gray illustre la différence des sexes. Deux univers, deux fonctions, deux langages qui semblent aux antipodes l'un de l'autre. D'où les crises, les malentendus, les renoncements….

Cet ouvrage est traduit dans le monde entier. « Sa lecture enrichit, réconforte, amuse aussi car le style est simple, drôle et jamais pontifiant » selon la critique de Claire Mazurel. Il a même été adapté au théâtre en France.

Sa quatrième de couverture annonce :
Qui n'a jamais pensé que, décidément, les hommes et les femmes ne parlent pas la même langue ! Que son ou sa partenaire débarque d'une autre planète ! D'où les frustrations, les malentendus, les déchirements... Alors qu'il suffit de savoir décoder les réactions de l'autre. Mars, dieu de la Guerre, Vénus, déesse de l'Amour... Jolie métaphore, qui explique pourquoi les deux sexes sont différents dans leur manière d'agir et d'exprimer leurs sentiments. Des années d'expérience de thérapie conjugale ont permis à John Gray d'analyser ces différences pour en faire une source d'enrichissement mutuel plutôt que de conflit. Avec ce grand best-seller enfin traduit en France, il nous offre un guide indispensable pour communiquer et vivre en harmonie avec l'autre sexe...

Ce livre a eu ses détracteurs et ses défenseurs. D’aucuns lui reprochent de tomber dans la caricature de la femme américaine et de trop enfoncer le clou par des redites. D’autres y ont trouvé un éclaircissement dans leur propre couple… Certains ont pris à le lire un plaisir littéraire et d’autres ont été déçus… Il n’en reste pas moins qu’il a été un succès littéraire.

Dans ton utilisation de cette métaphore devenue célèbre, le lecteur vient de Venus et il est donc assimilable à la femme de John Gray. Tu cites d’ailleurs une lectrice et non un lecteur. C’est vrai : lors des salons, il apparaît que les femmes semblent lire plus que les hommes. L’auteur (homme) vient de Mars mais l’auteure (femme) doit avoir une part de Venus. Venir de Mars veut-il dire être en guerre contre le lecteur nunuche?

Alors, je reviens sur le terme « nunuche » ( qui je l’avoue ne passe pas car je suis aussi lecteur et ma planète, c’est la Terre et uniquement la Terre ).

« Nunuche » est un terme familier qui signifie « un peu bête ».
Est-ce que les lecteurs de Marc Levy sont « un peu bêtes »?
Est-ce qu’il est « un peu bête » d’acheter des livres en supermarché?… par exemple « Piccule Fictions » distribué sans commission par les Géant Casino de Corse? Est-ce que le lecteur qui ne lit pas les petits auteurs est « un peu bête » lorsqu’il lit ou relit l’œuvre de Flaubert?

Non, décidémment « lecteur/nunuche » ne passe pas… C’est une incongruité. Alors je rappelle les dix droits imprescriptibles du lecteur édictés par Pennac dans son ouvrage « Comme un roman »…

1°/ Le droit de ne pas lire.
2°/ Le droit de sauter les pages
3°/ Le droit de ne pas finir le livre
4°/ Le droit de relire.
5°/ Le droit de lire n’importe quoi.
6°/ Le droit au Bovarysme (maladie textuellement transmissible…)
7°/ Le droit de lire n’importe où.
8°/ Le droit de grappiller.
9°/ Le droit de lire à haute voie.
10°/ Le droit de se taire.

J’avoue que, malgré son prix Renaudot, je lis Pennac… Suis-je pour autant un lecteur nunuche?… J’avoue qu’il m’arrive d’acheter des livres à mon supermarché…. Suis-je pour autant un lecteur nunuche?…

[Rédigé par : loule de marseille]

je retrouve la sagesse de notre bon JP et il a raison. Ecrire est le premier plaisir, le plus fort. La reconnaissance est évidement importante, mais tu l'as d'abord de tes amis et de tes lecteurs, qui entre nous deviennent par tes écrits, tes amis aussi.
A bientôt ami

[Rédigé par : Jean-Paul]

Mon cher Denis,

Certes, la dame qui ne lit que les auteurs connus ( c'est-à-dire les bons livres ) a manqué de délicatesse mais, pour autant, doit-on dire qu'elle est une lectrice nunuche... Les lecteurs sont des lecteurs et libres de leurs choix de lecture. La reconnaissance par ses propres lecteurs devrait être déjà un gage de satisfaction. De ce côté là, tu es comblé.
Quelque soit l'attitude de ceux qui viennent aux dédicaces, ils se dérangent pour des livres et c'est déjà pas mal... Au rayon des supermarchés, il s'arrêtent au rayon librairie... Il faut penser à tous ceux qui ne lisent pas ou qui ne liront pas...
Tous les auteurs cherchent une reconnaissance mais l'important n'est-il pas d'abord le plaisir d'écrire... L'édition est une autre affaire. On sait que écrivain n'est un métier que pour 3% des gens qui écrivent. Ne mêlons pas le lecteur à cela, bien content qu'ils existent.
Ceci dit, c'est vrai que ton polar "Aller simple" est un bon polar. Je l'ai lu. Toutefois combien de bons polars sont écrits par an? Par contre Marc Levy, autant que je le sache, n'écrit pas des polars. Je n'ai lu aucun de ses ouvrages car j'ai d'autres intérêts littéraires. Donc je n'ai aucune opinion sur son talent d'écrivain.
De toute façon, même si un écrivain ne mérite pas le succès fabriqué qu'il peut avoir, ce n'est pas la faute du lecteur qui est en droit de croire qu'un livre publié chez un éditeur national et encensé par la critique est un bon livre.
Je crois que écrire pousse à la modestie et au doute. C'est peut-être grâce à cela que l'on continue à écrire, sauf si on est gagné par le dépit ou le découragement.

Amitiés à toi et à tous les auteurs membres de Corsicapolar!

[Rédigé par : loule de marseille]

Mon pauvre Denis, nous vivons tous les jours ce genre de ségrégation. C'est pareil pour tout: je n'achète que la télé qu'on a vu à la télé! normal, à force de leur bourrer le crane à ces nunuches, on ne peut espérer mieux. Mais viendra le jour ou le tapis rouge se déroulera devant toi et tu appartiendras alors aux mondes d'écrivains que tu brocardes aujourd'hui.
On t'as expliqué qu'en travaillant plus tu gagneras plus. C'est vrai. les banquiers qui ont travaillé pendant des années ont gagné plus. Et même maintenant ils gagnent encore. C'est nous qui payons. Nous les auteurs n'avons encaissé que des rataillons, c'est pas grave. C'est ça le parcours de l'apprenti écrivain. Il bosse, il paye (ses déplacements, ses repas , et le reste pour vendre 2 ou 3 livres) mais un jour il encaissera.
je t'embrasse ami.