Plan d’Accaparement Délibéré pour un Démantèlement Ultime de la Corse par Eléna Piacentini
07 septembre 2008
Un PADDUC 2, c'est ce que propose le coup de gueule qu'Elena Piacentini nous adresse de la grisaille pluvieuse du Nord. La Corse n'appartient à personne écrit l'auteure d'Un Corse à Lille (éditions Ravet-Anceau) dont Corsicapolar à l'honneur et l'avantage de publier la première et savoureuse chronique.
Les instigateurs et les promoteurs du Padduc veulent dynamiter la Corse ! De quoi s’agit-il ? De permettre à quelques privilégiés de jouir de résidences secondaires situées sur des emplacements que depuis l’antiquité tous ont célèbré pour leur beauté.
De permettre à quelques propriétaires privilégiés de s’enrichir vite et sans risque en dilapidant le patrimoine naturel dont ils ont hérité ou qu’ils ont opportunément acheté (le hasard fait parfois bien les choses). Pour plus d’informations sur le sombre avenir de Kallisté, allez donc faire un tour du côté des sites suivants :
U Levante et http://www.amnistia.net/news/articles/corsdos/padduc/padduc_101.htm.
Mais ce Padduc ne
va pas assez loin, ses défenseurs manquent d’ambition ! Une fois que la
côte sera parsemée de villas enchanteresses, chacune dotée de son accès
privatif à une plage aux eaux turquoises, une fois que les greens seront égayés
de petits villages corses tous plus authentiques les uns que les autres, qui
entretiendra ce paradis protégé en dehors des périodes de congés ? Des
périodes qui devraient d’ailleurs aller en s’amenuisant si l’on tient compte de
la logique du « travailler plus pour gagner plus ». Une logique
imparable si l’on étudie l’envolée des prix au mètre carré sur les zones
prisées du littoral. Je propose donc le Padduc2, (Plan d’Accaparement Délibéré pour un Démantèlement Ultime de la Corse ) un plan autrement plus grandiose que son
terne prédécesseur.
Pour que les
vacanciers qui après une année de dur labeur puissent légitimement goûter aux
joies de l’authenticité, je suggère :
Que les producteurs
de denrées corses traditionnelles (fromages, charcuteries, miel, huile
d’olive…la liste des délices n’est pas exhaustive) reçoivent le statut de
fonctionnaire. Ainsi, tous nos visiteurs pourront bénéficier du label
« vacances authentiques » et déguster de vrais produits du terroir.
Enfin ! Il serait dommageable à l’image de notre île de devoir les faire
fabriquer en Chine, Non ?
Même chose, pour
tout ce qui concerne les activités artistiques. Chaque lotissement disposera
ainsi de son groupe de chanteurs corses qui pourra agréablement égayer l’heure
de l’apéritif en entonnant quelques chansons célébrant la beauté des paysages
et les illusions perdues. Il va de soi que pour ne pas perdurber le sommeil des
résidents temporaires, les intermèdes musicaux seront limités aux seules heures
autorisées, sauf dérogation exceptionnelle.
Même chose pour
tous les chasseurs confirmés. Mais je propose que pour des raisons
d’efficacité, leur salaire soit composé d’un fixe et d’une prime variable.
Pourquoi me direz-vous ? Comme chacun le sait, les sangliers sont
incapables de jouer au golf, cela tient sans doute à leur morphologie. Et comme
ce sont des animaux particulièrement aigris, ils prennent un malin plaisir à
creuser d’énormes baignoires, très disgracieuses, dans des pelouses à pas de
prix. Ces braves gens (les chasseurs) pourront ainsi s’adonner à leur activité
préférée et en tirer un juste profit. Vous voyez bien que mon padduc à moi
préserve les activités traditionnelles ! En plus, pour les vacanciers les
plus avides de sensations fortes, des battues (sécurisées, cela va sans
dire : on pourrait les organiser dans des périmètres clos et uniquement
avec des bêtes dont les dents auraient été limées) pourront être organisées à
des dates fixées chaque année par la Commission des Loisirs Labellisés
« Corse authentique ».
Même chose pour les
marcheurs et les randonneurs. Chaque lotissement aura son « Orsu » ou
son « Dumè » qui pourra guider les promeneurs occasionnels sur tous
les chemins de son pays.
Tous ceux qui ne
savent pas chanter, marcher, viser juste ou remplir un figatellu seront
orientés vers des métiers d’accueil et de service ou vers les services de la
voirie (parce qu’il faudra bien les entretenir ces routes avec tous ces 4x4 de
luxe !).
Voilà, j’ai encore
bien d’autres idées pour offrir des emplois sûrs, largement rémunérés et qui
correspondent aux inclinations naturelles et attaviques des corses (les
mots-clés du dispositif sont : Fonctionnaire, Prime, Plaisir,
Authenticité). Et où logerons-nous le petit personnel ? Pour les
catégories « Ouvrier » dans les villages de l’hyper centre
montagneux, pour les catégorie « ETAM » et « Cadres » dans
des villages avec vue mer, pour les cadres supérieurs dans les « Villages
Corses » (des quotas seront définis) reconstitués sur les côtes. Pour ce
qui est du personnel d’appoint qui sera débarqué pour répondre aux besoins liés
aux périodes de forte affluence, il sera logé dans des campings situés aux
abords des lotissements.
Magnifique,
non ?
Des
récalcitrants ? Des mauvais joueurs ? Proposons-leur un aller simple
avec logement de fonction sur une côte de Saint-Pierre et Micquelon et le tour
est joué !
Il reste des
détails à peaufiner, comme les grilles de salaires, le montant des primes, les
process d’orientation métiers, le règlement intérieur du lotissement
« Corse île de beauté et d’authenticité », mais je crois que dans les
grandes lignes, mon Padduc, c’est du béton !
Vous n’aimez
pas ? Alors réagissez !
La Corse
n’appartient à personne.
Elle appartient à
notre patrimoine commun d’êtres humains et responsables soucieux de ce qu’ils
lègueront à leurs enfants, au même titre que la forêt d’Amazonie, Petra ou les
chutes du Niagara.
Elle est le socle
qui permet à une communauté de destin, liée par une histoire, une langue, une
culture d’oser se projeter dans l’avenir sans avoir à payer le prix de se
perdre.
Que l’on ne s’y
trompe pas : il ne s’agit pas du combat des corses contre le reste du
monde. Il s’agit de l’affrontement de deux logiques incompatibles : celle
du profit et immédiat et à n’importe quel prix contre celle d’un vrai
développement durable et respectueux. Tous les amoureux de la Corse, tous les
habitants de la Corse, qu’ils y soient nés ou non, qui refusent ce braquage au
profit d’une minorité, sont les bienvenus et doivent faire entendre leur voix.
Si le travail de
fourmi de toutes ces associations qui épluchent les permis de construire pour
dénoncer les dérogations abusives et les zones de non-droit échoue,
Si les opérations
de protestation pacifiques comme celle organisée sur la propriété de Clavier,
sont accueillies par des policiers en tenue de combat,
Si les préfets
passent outre la justice pour accorder des permis de construire,
Si les plus malins,
ceux qui ont le bras le plus long, l’emportent au détriment des personnes de
bonne foi,
Si l’enquête
d’utilité publique ne remplit pas son rôle,
Si la justice
courbe l’échine devant le pouvoir,
Alors je pourrais
dire, sans cynisme et sans mentir, que nous vivons dans un monde où être
« dans son bon droit » n’a plus le moindre sens.
Il faut pourtant y
croire jusqu’au bout et utiliser tous les moyens légaux disponibles pour
combattre ce padduc. La prochaine fois que vous mettrez un bulletin de vote
dans la boîte, vérifiez-donc qu’il ne contient pas un diable. De droite, de
gauche ou d’ailleurs, je veux croire qu’il y a encore beaucoup d’élus honnêtes
et sincères, donnons-leur une chance. Pour le reste, vérifiez dans votre
commune, quels sont les terrains qui appartiennent au maire, à sa famille ou à
ses courtisans, enquêtez pour savoir s’il n’aurait pas un cousin ou un gendre
dans l’immobilier et agissez selon votre conscience.
Mêuhnon Denis !
T'es pas tout seul !
Et la colère n'est pas nécessairement un inutile fardeau. Pas plus qu'elle n'est forcément dérisoire.
Je ne sais plus qui disait "il faut vivre indigné". Peut-être était-ce Henri Jeanson ? si ce n'est pas lui, il eut du moins le mérite d'appliquer ce précepte. Reste que vivre indigné, vivre en colère, ne pas se résigner benoîtement, refuser de tout gober docilement parce que c'est "comme ça et pas autrement" est une chose saine. Bon, certes, ça fatigue… Mais je préfère la fatigue à l'usure, la colère à la résignation.
Et il ne faut jamais oublier que les "puissances qui nous menacent" ne sont finalement là, en position de puissance, que parce que nous l'avons voulu ou permis. A priori, ce qui a été fait doit pouvoir se défaire. En tout cas, ça vaut le coup d'essayer. Ne serait-ce que parce que c'est une excellente occupation… L'idéal étant, cela dit, de se mettre en mode samouraï : "On ne combat que pour pourfendre". Sinon, on reste à la maison devant "Qui veut gagner des millions", à se féliciter d'avoir trouvé dans son fauteuil la réponse à la question à 1 million, en essayant d'oublier que précisément, on est dans son fauteuil, et qu'on n'est qu'un gagnant très virtuel…
Bon, ça vient ce pamphlet au sabre ?
Rédigé par : Elisabeth | 08 septembre 2008 à 21:28
Je tiens à vivement remercier Helena et tous ceux qui ont participé aux commentaires sur ce fameux PADDUC. Au moins, on se sent moins seul avec sa colère qui semble parfois un bien inutile fardeau tant elle paraît dérisoire face aux puissances qui nous menacent…
Je prépare un pamphlet sur le sujet et j’espère qu’il sera en ligne avant la fin de la semaine…
Rédigé par : Denis | 08 septembre 2008 à 18:13
Merci, Francescu Carlotti.
Là, vos propos sont clarifiés et retirent toute fausse interprétation qui m'a semblé possible.
Je ne partage pas l'intégralité de votre jugement car il faut toujours replacer l'histoire d'un peuple dans le contexte d'une époque. Toutefois le résultat est là et le constat amer... en attendant des lendemains qui chantent. A cet égard, il faut se méfier du chant des sirènes et le Padduc est un chant trompeur pour les Corses qui voudraient continuer à vivre sur leur île ou y revenir.
Rédigé par : Vieux Corse | 08 septembre 2008 à 15:04
Oui M le"vieux corse"le Peuple Corse est à l'agonie, quand je parle de peuple corse, je fais allusion aux 90 000 "corses d'origine" comme certains les noment, et qui n'a acun sens,qui sont minoritaires sur l'ile.
Le Peuple Corse qui a su faire du desert des Agriates, le grenier à ble de la Corse,qui exportait son huile de Balagna,qui avait transformé la Cinarca en verirable jardin,la Castagniccia exportait ses chataignes, le bois de nos forets etait utilisé pour faire les mats des bateaux,etc etc.
C'est ce Peuple qui est mort, pour laisser place à une population d'assistés, qui a profité du départ, et de l'exil volontaire d'autres corses, pour s'accaparer pendant 50 ans, et du pouvoir et des biens que les autres avaient meprise.
Ce peuple a eut l'occasion de reagir, dans les années 70 avec ce sursaut d'orgueil et de revolte, d'une jeunesse consciente et responsable, dont je faisais partie.
Je connais deja votre reaction, condamnant, violence, racket,et autre faute imputé à ceux que vous avez baptisé"terroristes",pour ne pas deplaire,à la main genereuse qui vous nourrissait.
Mais le propre de toute revolution est d'etre maladroite, et ces jeunes qui se sont mis en avant, parfois au peril de leur vie, aurait merite d'etre suivi et conseille par tout leur peuple, cela aurait evite certaine derive.
Vous m'accusez de proner le liberalisme( ce qui est faux)mais vous acceptez de faire partie d'une nation qui elle, est ultra liberale,et qui nous jette ses miettes.
L'epargne corse,c'est à dire la communauté de destin, qui a choisi notre terre, nos valeurs, nos coutumes,suffirait largement à relancer notre economie, pour peu que l'on en soit capable.
Retrouver la maitrise de notre production, ce n'est pas du liberalisme, mais le seul moyen de vivre dignement de notre travail, et de notre terre, qui est en jachere depuis plus de cent ans.
Un pays qui ne produit pas est un pays mort, qui se contente de consommer, aux conditions imposees par des capitalistes etrangers.
Le vieux peuple corse, n'a pas su se saisir de ces opportunites, en imputant notre sous developpement, soit à l'etat francais, soit à la violence, soit aux clanistes, sans jamais se remettre en cause.
Je ne suis plus un jeune Corse, et je ne verrait sans doute pas mon Pays et mon Peuple revivre, mais je suis certain, que dans un avenir plus ou moins proche,cette Terre qui a ete la seule passion de ma vie redeviendra une Nation digne et prospere.
Rédigé par : Carlotti Francescu | 08 septembre 2008 à 14:40
Si , comme Eléna, je suis inquiet pour la Corse, c’est-à-dire les Corses, j’ai du mal à suivre le commentaire de Fancescu Carlotti car j’y décèle une ambiguité dans une partie de son discours. Nous l’incitons à le clarifier…
Il écrit : « Fonctionnaire à vie, voilà le rêve du vieux Peuple Corse, qui est en train de disparaître, et qui ne se rend pas compte, que se met en place, une nouvelle communauté de destin ou pas, mais qui elle a l'intention de faire evoluer notre ile, de developper nos richesses,et de profiter de la qualité de vie exceptionnelle,sur notre Terre. Ce sont des gens qui aiment notre île autant que nous et qui sont pret à se battre plus que nous pour la préserver… »
De qui parle-t-il et de quoi parle-t-il ? De la Corse ou des Corses ? De la Corse sans le vieux peuple corse qui, pour lui, n’a pour ambition que l’Administration ? Les Corses sont-il encore dignes de faire partie de cette communauté de destin ou pas dont il parle ? Pense-t-il qu’il y a de nouveaux Corses plus corses que ce vieux peuple voué à la disparition?
Quant aux 10 milliards d'euros d’épargne dont il fait état, de quel argent s’agit-il ? De celui des Corses ou de la riche commnauté de destin ou non ?
Je ne pense pas que Francescu Carlotti chique contre ses origines et ce vieux peuple corse mais son discours m’apparaît pavé de bonnes intentions comme l’enfer. Pour mal plagier Jean-Paul Sartre : l’enfer, c’est les autres Corses que moi.
En ce qui concerne son cours d’économie, il est sans aucun doute très libéral mais c’est dans l’air du temps. D’aucuns fustigent les milliardaires tout en pensant le devenir…
Rédigé par : Vieux Corse | 08 septembre 2008 à 12:07
Chere Elena, j'ai bien apprecié votre PADDUC 2,et je suis sur, et la, serieusement, que beaucoup de corses signeraient des deux mains un tel projet.
Nous pourrions meme organiser pour les touristes, de faux attentats, ou braquages en tout genre, assassinats, réglements de compte, pour que le tableau soit complet, et correspondonde, à l'image que l'on se fait de nous.
Fonctionnaire à vie; voilà le reve du vieux Peuple Corse, qui est en train de disparaitre, et qui ne se rend pas compte, que se met en place, une nouvelle communauté,de destin ou pas,mais qui elle a l'intention de faire evoluer notre ile,de developper nos richesses,et de profiter de la qualité de vie exceptionnelle,sur notre Terre.
Ce sont des gens qui aiment notre ile autant que nous et qui sont pret à se battre plus que nous pour la preserver.
Ils ont compris, que pour retrouver une economie digne de ce nom, il fallait avoir la maitrise de la production, de la transformation de nos produits, et surtout la maitrise de la distrbution et des transports.
Pour cela plus besoin de faire appel à la generosité nationale, nous avons en Corse une epargne trés importante,10 milliards d'euros, de quoi financer de nombreux projets,et c'est ce vers quoi cette nouvelle communauté, devra se diriger, pour echapper à la Corse des milliardaires.
Sentimenti fraterni
Rédigé par : Carlotti Francescu | 08 septembre 2008 à 10:43
Bonsoir, D'après ce que j'observe notre Corse est en train de faire naufrage.
C'est le chaos... et j'en suis bouleversée...Il va falloir s'accrocher et ramer, même si le courant est contre nous..
Je vais écrire à toutes les Associations Corses dans le monde afin de dresser une liste et l'envoyer à l'Élysée.
Rédigé par : Antomarchi Anne | 08 septembre 2008 à 00:37
Bonsoir Eléna,
La réalité dépasse souvent la fiction, ou la talonne férocement. Et certaines de vos suggestions PADDUC 2 sont hélas déjà appliquées de fait ou en passe de l'être. Ou encore envisagées avec le plus grand sérieux.
Ainsi l'un des grands projets que pointe U Levante est un centre résidentiel sous dôme climatisé assorti d'un golf qui devrait être irrigué grâce à une retenue initialement destinée aux usages agricoles. Mais comme il n'y aura plus d'agriculture- et bientôt plus d'agriculteurs vu que nous avons un taux d'installations nettement inférieur au taux de départs en retraite- c'est là un détail… Aux bouseux qui protestaient en arguant qu'on hypothéquait l'avenir de leurs enfants, le promoteur (corse, précisons-le, et de son propre aveu las de manger du figatellu auquel il lui tarde de substituer de la langouste) rétorquait que lesdits enfants pourraient toujours postuler pour des emplois dans son complexe. Où ils pourraient même résider, le cas échéant, puisqu'un "village corse" ouvert aux "natives" est prévu.
S'agissant des "denrées corses traditionnelles", il y a beau temps qu'une part non négligeable d'entre elles sont soit importées soit produites à partir de matières premières n'ayant rien à voir de près ou de loin que ce soit avec la Corse ou une quelconque tradition. A titre d'exemple, la part d'authentique charcuterie fermière corse (faite par un éleveur qui suit un cheptel toute l'année et ne transforme que la viande de ses bêtes -en ne se contentant pas, deux mois avant la tumbera, de faire entrer des bêtes élevées en batterie auxquelles il filera trois châtaignes histoire de justifier d'une "finition à la châtaigne) représente bien moins de 10% de la "charcuterie corse" écoulée sur l'île. La production de fromage est en passe de connaître le même sort. Du reste, dans bien des cas, du moment qu'il y a une image de la Corse sur l'étiquette, le touriste s'en fout, quand bien même on l'aurait averti et informé, et joue volontiers les dupes consentantes. Il est vrai qu'il n'est plus là pour "consommer de l'authentique" mais pour consommer ce qu'il a décrété être "typique" depuis qu'il a lu Astérix en Corse. Parce que de nos jours, on ne "voyage" plus, on "fait du tourisme". Et la nuance est de taille.
Beau temps, aussi, que le chant corse est en voie de n'avoir plus d'autre perspective que le musée ou le cirque. Le vacancier veut bien aller à un concert pittoresque proposé par l'office de tourisme mais ricane ou s'offusque si à l'improviste, dans un bar ou un restaurant, trois types qui ne sont pas sous les feux d'une rampe, n'ont pas d'album à vendre et ne font même pas la manche après (c'est à n'y rien comprendre ?! Franchement, mais pourquoi ils chantent, alors ? A croire qu'ils aiment ça, ces ploucs !), entonnent une paghjella. Le "folklore", c'est déjà à date et heures fixes, bien programmées. Comme devraient être programmés le chant du coq, la "runcada" de l'âne ou la cloche de l'église qui troublent la quiétude de tant de vacanciers, retraités et autres néo-ruraux. Tant il est vrai que tout, aujourd'hui, ici, ne devrait tourner qu'autour du "réceptif".
Notons enfin que tous ces beaux projets de développement à la sauce padduc ne semblent pas tenir compte d'un détail qui a pourtant son importance : l'énergie. Or, et je crois qu'Ugo aurait beaucoup à dire sur ce thème, on sait que la fée électricité, par chez nous, est sujette à des sautes d'humeur. Que l'on nous assure chaque année "un hiver sans coupures, promis-juré-craché". Mais que, bien évidemment, chaque année la fameuse "faute à pas de chance" s'en mêle et prend un malin plaisir à démentir les assurances des bonnes gens qui nous doivent "plus que la lumière"… Mais dont on se satisferait largement qu'ils commencent précisément par nous permettre de nous éclairer où, comme et quand bon nous semble, 365 jours par an. Pour autant que je sache, un village sous dôme à atmosphère constante, pour ne parler que de cette merveille que la Méditerranée entière ne manquera pas de nous envier, ça doit pomper pas mal de "jus". Faut-il croire que les projets que permettra le Padduc ne commenceront à sortir de terre que lorsque la question énergétique sera totalement maîtrisée, réglée ? Ou bien, pour aller dans le sens de votre Padduc 2, faut-il croire que les autochtones auront l'obligation d'avoir chez eux un groupe électrogène ou une dynamo, afin de laisser obligeamment leurs "hôtes" bénéficier en priorité des services d'EDF ? A moins tout simplement que, toujours soucieux de démentir l'adage selon lequel gouverner c'est prévoir, nos élus n'aient pas envisagé le problème et les solutions qu'il appelle et ne laissent faire quitte ensuite à ouvrir ombrelles, pébroques et même parapluies de bergers pour entonner l'air connu du "c'est pas nous c'est Paris !".
Il est vrai, cela étant, que nous sommes les cadors nationaux en matière d'énergies renouvelables…
Quant à l'utilisation judicieuse du bulletin de vote, c'est effectivement une suggestion à retenir, j'en conviens. Les prochaines territoriales, cela dit, sont dans deux ans, et le Padduc doit être soumis au vote de l'Assemblée de Corse entre-temps. Ce qui ne veut pas dire que tout est perdu d'avance. Mais les élus qui sont à l'origine du Padduc et ceux qui s'apprêtent à le valider sont "légalement élus" et censés représenter les Corses. Les pétitions, les manifs, les actions symboliques ont toutes les chances de se voir tenues pour rien, pour illégales voire criminelles sous un prétexte ou un autre. Sauf à imaginer que la grogne, tout en restant pacifique et mesurée, prenne une telle ampleur que certains n'en viennent à craindre pour leur siège et leur bureau où il fait bon, au terme d'un rude débat, se retirer et se ressourcer en mangeant des lasagnes surgelées et en sirotant un single malt. C'est à souhaiter. Les élections seront proches lorsque le vote du Padduc ne sera pas encore un souvenir lointain…
Reste à savoir si l'on ne compte pas sur la capacité de nombre d'entre nous à l'oubli. Ou plutôt au pardon de circonstance. Capacité en grande part liée à une situation telle que trop de Corses désormais ne voient leur salut que dans la fonction publique (territoriale de préférence), le tourisme ou l'exil. Mais pas dans les urnes. Ou du moins, pas de la façon dont on l'entend généralement.
Quant au fait que la Corse n'appartient à personne, je ne vous rejoins pas sur ce point. Je préfère pour ma part dire qu'elle n'appartient pas à "tout le monde". Et surtout pas à ceux qui veulent croire que l'argent (qu'il s'agisse du prix de l'emplacement au camping les Anophèles ou de celui d'une villa à Punta d'Oro) peut tout acheter. Y compris la servilité d'une communauté de destin telle que vous la définissez fort justement.
Cordialement
Rédigé par : Elisabeth | 08 septembre 2008 à 00:05