Capture par Arlette Shleifer (1.1)
Jean-Pierre Orsi à la fête de l'Huma

Plein d'invitations à Marseille

Pinkettsdrmondadori La deuxième édition du Balcon marseillais du polar et du livre méditerranéen  se déroule le 16 septembre. Cette manifestation est organisée par l'association  Le pôle art marseillais. L'Italie est, cette année, le pays invité avec Andrea G. Pinketts.
Du 16 au 30 septembre, également à Marseille, se tient la Semaine noire organisée par  l’association L’écrit du sud en partenariat avec La Friche Belle de  Mai. Pour tout savoir sur ces noirs et riches programmes , consulter au plus vite  l'Île noire. C'est plein d'infos et en plus y a un extrait du groupe 100% destroy  I Summeri castrati.

Commentaires

Jean-Paul

Claudio Milanesi, docteur ès lettres, historien des sciences, chercheur à la Domus Galileiana à Pise, enseigne à l'université d'Aix-en-Provence.

Rappel d’un colloque qui s’est tenu en 2002 à la faculté de lettres d'Aix en Provence:

AIX-IN-GIALLO 2002
Les femmes écrivains et le roman policier. 25/26 avril 2002, Aix-en-Provence / Marseille
Publié dans Livres 45 (07/2002)

Depuis quelques années, on entend beaucoup parler du polar, non plus comme un genre marginal, mais comme une littérature qui suscite un vif intérêt du public. C'est de cet engouement qu'est née la dénomination "polars marseillais", sans doute pour rassurer les lecteurs en quête de catégories. Comme l'explique Claudio Milanesi dans son compte-rendu sur les journées dont le thème était "Les femmes écrivains et le roman policier" : la production de polar est un travail individuel d'auteurs ayant chacun sa propre personnalité et son propre langage. Ainsi, quelque soit le lieu de sa création ou l'identité de son auteur, le polar est un genre littéraire à part entière. Affaire à suivre...

Le 25 et le 26 avril 2002, s'est déroulée, à l'Université de Provence et à l'Institut Culturel Italien de Marseille, la quatrième édition de Aix-in-giallo, une manifestation qui se propose de faire connaître au public français des auteurs italiens de roman policier peu ou pas encore connu(e)s en France, à travers des tables rondes auxquelles sont régulièrement invités des spécialistes du roman noir et de la littérature italienne ainsi que des auteurs marseillais.
Cette année, autour de Claudio Milanesi et de Massimo Tramonte, universitaires, et de Gilles Del Pappas et Jean-Paul Delfino, doyens du polar marseillais, étaient réunies Sylvie Aniorte-Paz, Luce Michel, Pia Petersen, Danila Comastri Montanari et Francesca Zucchiatti Schaal.

Gilles Del Pappas a raconté l'histoire de Marseille des trente dernières années ; Danila Comastri Montanari restitue avec précision philologique la vie dans l'Empire romain au premier siècle après J. C., tout en en faisant le miroir de l'Italie d'aujourd'hui ; Sylvie Aniorte-Paz fait parler dans leur langue les milieux populaires et communautaires de la cité phocéenne d'aujourd'hui ; Francesca Schaal s'attache à explorer les nuances du Mal dans la psychologie de ses personnages, sans vraiment se soucier des dimensions historiques et sociologiques ; Luce Michel, à son opposée, utilise le roman comme un moyen de dire des vérités que ni les médias ni les tribunaux ne peuvent plus dévoiler, au même titre que Jean-Paul Delfino, qui ajoute à cette dimension de politique-fiction celles de la jubilation et du rire. Pia Petersen mérite un discours à part : c'est la seule, parmi les invitées, qui n'écrit pas de polar à proprement parler, mais qui utilise plusieurs langues et différentes formes d'écriture, dont entre autres des éléments du roman policier, pour créer une forme romanesque inédite et complexe.
Le roman policier, tout en gardant quelques traits majeurs - le crime, le combat entre le bien et le mal, le dévoilement de la vérité d'un monde à travers l'élucidation d'un mystère ou d'une énigme - cherche désormais à dépasser ses propres limites et à mettre en question ses propres normes, par la contamination avec d'autres genres et l'expérimentation de formes et de langues : c'est le cas, par exemple, du journal du paparazzi qui est la forme narrative qu'a choisie Luce Michel ; du métissage de la langue française avec la faconde des langages populaires des quartiers marseillais d'aujourd'hui pour Sylvie Aniorte Paz ("Je crains dégun") ; c'est la superposition de trois formes différentes d'écriture différentes dans le même roman pour Pia Petersen ; c'est l'entreprise cohérente de Danila Montanari, qui a dû inventer un italien épuré des emprunts lexicaux au français et à l'anglais, pour arriver à une langue synthétique qui sache en même temps rendre l'efficacité du latin et la fluidité des classiques du genre ; c'est enfin le langage vidé de sens des conversations bourgeoises d'aujourd'hui, qui sert à Francesca Schaal pour dévoiler l'hypocrisie des relations sociales, faisant ainsi du langage l'instrument clé de la stratégie de son récit.


Peut-on renfermer un genre si éclaté dans des catégories toutes faites et des écoles régionales ?

Certainement pas : tous les intervenants ont été d'accord pour dire que les soi disant écoles de roman policier, comme la prétendue école marseillaise des Izzo, Carrèse ou Del Pappas, ou l'école de Bologne de Carlo Lucarelli et Marcello Fois, ne sont rien de plus qu'une sorte de dénomination commerciale pour rendre lisibles un certain produit à un public en quête de catégories, et que dans les faits la production de polar est un travail individuel d'auteurs ayant chacun sa propre personnalité et son propre langage.
De même pour le polar écrit par les femmes : un polar au féminin avec ses propres spécificités n'existe pas ; tout au plus peut-on trouver, dans les romans écrits par des femmes, un peu plus d'optimisme et de lumière, comme l'a dit Sylvie Aniorte Paz, ou bien un renversement des rôles qui produit un certain dépaysement chez les habitués du genre, comme c'est le cas des "tueuses en série", ou des "hommes fatales", du cycle de Publio Aurelio de Danila Comastri Montanari.
En Italie comme en France, le succès du genre, auprès du public mais aussi chez les critiques, est l'un des phénomènes les plus marquants de l'actualité littéraire depuis quelques années. De nos jours, dans la péninsule, grâce à Andrea Camilleri et à Carlo Lucarelli, le succès du roman policier, giallo en italien, est tel que Danila Comastri Montanari prétend que s'il est vrai qu'il y a encore dix ans, le genre constituait une sorte de ghetto que les critiques qualifiaient de "paralittérature", aujourd'hui la situation est pratiquement renversée : c'est le genre qui permet toutes les libertés et les expérimentations, alors que le vrai ghetto est celui où se débat celle que les auteurs de romans policiers appellent désormais avec dérision la "littérature blanche".

Compte rendu de ce colloque repris dans son intégralité.

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.