Une tomate forcée reste une tomate forcée par Marie-Hélène Ferrari
20 août 2007
Ajaccio, Barretali, Levie....Autour des livres, en l'île, plusieurs manifestations ont marqué la période estivale. Marie-Hélène Ferrari revient sur ces rendez vous d'un été. Ils soulignent tous une évidence: la
littérature n’est pas un être qui se force, mais qui s’apprivoise...
Presque l’heure des bilans
Voilà, avec les premiers frissons, le 18 août dernier à Levie, l’âme s’est faite lourde et un peu triste. On parle pour certains de dates de retour sur le continent, pour d’autres de reprises d’activités professionnelles, on parle encore des manifestations nationales, Nice, Marseille, etc…On s’embrasse un peu plus longuement, va-t-on encore se revoir dans les jours qui viennent ?
Car personne n’a en fait la moindre idée de la vitalité insulaire en matière de livres. Le nombre de maisons d’éditions, par exemple, qui font l’effort de produire tous les ans des nouveautés et de mettre au jour de nouveaux auteurs : Albiana, Alain Piazzola, Clementine, Fiore di Carta, Dcl, Le Maquis, Acquansù. Le nombre de manifestations, salons du policier, des éditeurs, rencontres, colloques, etc…
Le fait est que ceux qui y participent ont eu des kilomètres à faire et des moments à partager ensemble.
Deux points forts se sont pourtant nettement dégagés cet été : Le festival du polar, organisé par Jean-Pierre Orsi et la manifestation de Barrettali de Jean Pierre Santini.
La première s’est singularisée par sa joyeuse amabilité, sa simplicité sans fausse note, et le fait qu’elle nous a fédérés dans une vraie communauté de pensée, où les participants ont tous le même point de vue : prenons la vie comme elle vient, et rions tant que nous le pouvons. Faisons des livres qui trouvent des lecteurs et qui par la même, emportent un peu de cette terre, dont le polar se fait le reflet, ce labyrinthe qui nous a permis de nous retrouver.
La seconde, outre le fait pour certain d’entre nous de découvrir cette région, a soudé fermement cette reconnaissance des cœurs, parce qu’elle a mis à jour une évidence : la littérature n’est pas un être qui se force, mais qui s’apprivoise, si elle n’est pas immédiate évidence, du moins doit-elle avancer doucement. Imposer, c’est violer, et violer c’est quelque part tuer. Nous sommes imparfaits, mais nous ne nous prenons pas la tête et tentons tous de restituer un goût, un parfum qui nous est propre. Personne n’a la Vérité, tous nous avons des vérités, et c’est ce qui fait notre force. J’ai personnellement la conviction que s’il doit émerger une œuvre d’entre nous, elle le fera d’elle-même, et pas par la proclamation par son auteur de ses qualités, un lent chemin vers la lumière, comme la graine à la plante. Une tomate forcée reste une tomate forcée. C’est pourquoi je crois vaines toutes les polémiques d’où qu’elles proviennent, elles ne font que nous rapetisser, même si, sur le moment on s’amuse tant à y participer.
Un autre soir, à Levie, manifestation incontournable dans le Sud car elle est l’une des rares à être organisée par une bibliothèque et où la qualité de l’accueil ne change jamais, nous avons fait ce que nous faisons quasiment tout le temps : acheter les livres des autres, avec infiniment de modestie, de plaisir, parce que c’est bien pour cela que nous sommes là ? le livre.
Voltaire et Rousseau ne s’aimaient guère, se le disaient beaucoup : « Allez brouter vos prairies ! » disait en substance le premier au second, « Vous êtes juste à la hauteur qu’il faut. » l’autre criait à la persécution…le futur n’a retenu que le génie des deux.
Le bon mot est une joie dont nous n’aimons guère quel que soit le lieu, le siècle, nous priver. Acceptons cette fraternité, de quelque côté que l’on se trouve. Bon mot, mauvais mot, c’est toujours l’amour du mot, qui nous lie. Et oui, ici, en Corse, nous aimons les mots.
Commentaires